6.1.3.4- Le soi réactionnel

C'est dans les rapports "asymétriques" que la valeur d'un sujet est volontiers mise en question. L'effet de cette asymétrie sur l'opération identitaire paraît constant : le dominant attribut un groupe de caractères – le plus souvent négatifs - au dominé. C'est la valeur de l'individu, donc son image de soi, qui est, en conséquence, plus ou moins sévèrement mise en question.

Camilleri parle ainsi de plusieurs types d'identité : celui qui occupe la position défavorisée dans la relation est porté à signifier sa réalité et sa valeur selon les injonctions de l'autre. Ce surplus de domination symbolique" peut engendrer ce qu'on appelle "l'identité négative".

Mais nombreux ceux qui évitent cette intériorisation du jugement dépréciatif :

Certains évacuent l'identité négative en s'assimilant au favorisé et en transférant l'injonction dévalorisante de celui-ci sur les autres membres de leur ethnie, dont ils se séparent ou tentent de se séparer.

D'autres paraissent ne pas intérioriser la dévalorisation parce qu'ils ont pris conscience de leur singularité à l'occasion du refus qu'ils perçoivent, Ils ne sont pas acceptés par les autres. C'est une "identité par distinction".

Un pas de plus et nous rencontrons "l'identité-défense" qui est induite par la réaction d'un élément de l'environnement isolé du reste.

Nous arrivons enfin à "l'identité polémique" où le sujet se sur-affirme plus ou moins agressivement.

Ces identités réactionnelles apportent ces caractères à s'éloigner de plus en plus de la réalité. Ceux qui sont prescrits par le dominant relèvent plus ou moins largement de l'imagination du fait de son intentionnalité de dévalorisation de principe. Ceux que s'octroie le dominé prennent le même chemin parce qu'ils visent à évacuer l'évaluation négative. Ainsi l'identité réactionnelle évolue vers le mécanisme de défense.

Face à ce sentiment, de mal se situer, activé par des déterminants internes (sentiment de malaise…) ou externes (rejet, pression sociale,…), une stratégie identitaire se met en route. Elle vise l'existence même de l'individu et la reconnaissance de sa place aux yeux des autres.

La dynamique psychosociale en jeu dans la rencontre entre les acteurs sociaux porteurs de cultures distinctes s'accompagne d'un réaménagement des systèmes symboliques en présence. Le bouleversement des objectifs des individus ébranle ces systèmes et les mobilise. Les formations identitaires des acteurs sociaux individuels et collectifs sont sollicitées et mises à l'épreuve au cours des négociations – qui permettent de créer des compromis, des ajustements. Camilleri qualifie ces opérations de "stratégies identitaires".