7.4- … une rencontre risquée

La notion d’interculturel renvoie donc à un processus dynamique d’interaction entre individus et groupes, porteurs de représentations et de valeurs différentes. Elle implique d’emblée une vision non figée de la culture, de la société, des identités individuelles et collectives.

En revanche,

Les frontières sont le produit de la différence entre cultures. A force d’être séparés, les gens finissent par produire des différences culturelles. Les communautés n’entretenaient pas d’échanges formels. Chacune était repliée sur elle-même, sans possibilités réelles de rentrer en contact avec les autres, à cause des lois raciales et racistes qui prohibaient toutes formes de contacts et d’échanges entre communautés. En conséquence, chaque communauté vivait d’abord et seulement pour elle-même.

La seule présence des cultures dans un espace bien déterminé ne fonde pas l’interculturel. On parlera de situations ou de pratiques interculturelles seulement quand les groupes en présence négocient en commun des pratiques nouvelles et que celles-ci sont acceptées par les autres. L’interculturel suppose en effet une interaction culturelle. Ces interactions se font dans le temps mais aussi dans l’espace.

Ainsi, le multiculturel serait dans ce cas entendu comme la présence de plusieurs communautés ethniques, vivant dans le même espace mais sans interaction (sauf négatives : exclusions, violence…). Leurs pratiques culturelles et religieuses se déploient uniquement dans la sphère ou le territoire du groupe en question.

Chacun des groupes existe bien sûr avec une identité culturelle particulière, mais lorsque l’on prend en considération leurs relations, on s’aperçoit que, de part et d’autre, se sont installés des représentations, des préjugés qui, dans une grande mesure bloquent les communications et les échanges intergroupes.

L’interculturel, au contraire, suppose que non seulement des regroupements ethniques coexistent, mais qu’en plus de cette cohabitation, ils entretiennent des interactions réciproques.

L’interculturel c’est effectuer le passage de la société multiculturelle à la société interculturelle. Dans la première, les individus ou les groupes s’isolent, s’affrontent, se détruisent. Dans la seconde, ils doivent interagir, une tierce culture émerge. L’interaction produit des dynamiques. L’interculturel est le résultat de négociations et de compromis réciproques entre membres de cultures différentes.

‘« L’évidence des différences culturelles, la reconnaissance même d’un droit à ces différences ne sont pas les conditions suffisantes du dépassement de l’ethnocentrisme. Je peux fort bien accepter l’autre comme différent, respecter ces différences, mais faire en sorte que celles-ci ne m’atteignent pas dans mon être, dans mes certitudes, dans mon identité… Pour que j’en vienne à mettre ceux-ci en doute, il faut que j’acquière la conviction que les croyances, les modes de pensées, les systèmes de références de l’autre sont aussi valables que les miens, parce que, comme les miens, ils sont l’aboutissement, le produit d’une culture" (CLANET, 1989, p.214).’

Cette prise de conscience va mettre en question mon être, mes certitudes, mon identité. Je vais pénétrer dans d’autres univers culturels, de même que d’autres univers culturels vont faire irruption dans mon univers propre. Alors je vais devoir « composer » la question suivante :

Dans ces voyages d’un code culturel à un autre que vais-je devenir ? Quelle va être désormais ma vérité ? Vais-je pouvoir me raccrocher à une vérité unique ?

Cette grande peur de devenir autre, ce risque que je pressens de me perdre, sont sans doute les obstacles psychologiques les plus forts à dépasser afin que puissent s’instaurer les dynamiques relationnelles nécessaires dans une société véritablement interculturelle.