9.1.2.1- L'amour

"Un jour d'automne, j'ai rencontré un bel homme; je ne le connaissais pas, mais j'ai senti quelque chose de très fort qui m'a dit qu'il sera un jour mon mari… Petit à petit, une amitié s'est établie entre nous qui n'a pas tardé à se transformer en une belle histoire d'amour. Cette histoire nous a plongés dans une histoire extraordinaire" (Rana, musulmane, 35 ans).

"Mon mariage mixte ne s'est jamais fait sur une base religieuse, mais simplement sur une base d'amour; en d'autres termes, nous étions amoureux l'un de l'autre, et le jeu était fait" dit Ramy (Homme musulman, 52 ans).

Tomber amoureux est un tel bouleversement que l'on a pu parler de folie. Celui qui aime s'élève hors du monde. "L'état amoureux est un état de conscience d'une qualité, d'une acuité et d'une densité exceptionnelles. C'est une transformation qui nous fait voir l'autre prodigieux, le monde merveilleux, c'est une rénovation qui nous fait porter un regard nouveau sur nous-mêmes, sur l'autre, sur le monde. C'est la découverte de notre profondeur, la perception de notre essence" (Leleu, 2001, p.92).

Dans l'amour, il s'agit d'une ouverture à l'autre, certes un autre unique, à nos yeux parfait, qui n'est en tout cas pas jugé et qui, même méchant et maltraitant, sera aimé, car nous lui trouvons toutes les excuses, nous allons même jusqu’à trouver ses défauts aimables. Un autre qui donne sens à notre vie et au cosmos. Un autre dont on perçoit l'essence, un autre que nous aimerons éternellement et avec qui nous serons unis à la vie et à la mort.

Afin de ne pas perdre ce projet d'amour, on s'efforce de donner à tout prix une image de soi positive. L'inconvénient majeur lié à cette présentation de soi est qu'il n'est pas aisé de changer sa propre image en cours de route et l'on finit parfois par se fatiguer si l'image est trop éloignée de la réalité.

Malheureusement, c'est bien souvent au cours de cette période que les erreurs les plus lourdes de conséquences sont commises : à force de vouloir à tout prix donner une image de soi idéale – susciter une impression qui doit devenir une certitude – il est fréquent que le soi proposé fasse oublier, négliger le vrai soi. L'on finit par ne plus oser se montrer au grand jour, par peur de décevoir.

Cette peur de décevoir qui sous-tend la plupart des comportements liés à la parade amoureuse a pour résultat de « ligoter » l'individu dans un rôle : il veut devenir l'image qu'il donne de lui; il finit même, à certains moments, par y croire !

Cette prison est le sacrifice très librement consenti que l'on croit devoir faire pour être sûr d'être aimé alors que nous subissons ainsi une double contrainte : si je reste dans mon image, je risque de me trahir – ce qui est inéluctable; si je me libère de cette image, je ne serai peut-être plus sûr de séduire – ce qui est déjà nettement moins évident.

Alors pourquoi préférer la difficulté et le rejet – ou la mise à l'écart - de son identité ? Ne peut-on espérer être aimé pour soi-même ?

L'état amoureux recèle des artifices qui sont : l'idéalisation, l'identification et la fusion.

"Avant le mariage, il fréquentait l'église pour me faire plaisir. J'ai découvert qu'il n'a aucun engagement chrétien comme moi. Il est musulman de cœur comme sa mère" (Yvette, femme chrétienne, 40 ans).