9.2.4- Affaire de tous

Le mariage mixte est un événement et non plus seulement l'affaire intime de deux individus. Au contraire, il agit sur l'ensemble du tissu social : il fera craquer les liens fragiles ou superficiels, il suscitera de nouvelles solidarités, il renforcera des relations déjà existantes. Un souci, partagé par tous les candidats au mariage mixte, de trouver la meilleure façon de présenter la chose, traduit bien le caractère socialement marqué de ce type d'union.

On laisse à ces témoignages l'art de nous présenter des images vécues traduisant concrètement l’intrusion des personnes qui entourent les "amoureux mixtes" : Nawara – femme musulmane de 51 ans raconte :

" J'avais 17 ans quand je me suis mariée avec Talal, musulman. Il était dans l'armée et moi je travaillais à l'hôpital. Nous avons 4 enfants. Ils sont plutôt jeunes : deux garçons et deux filles. Nous avons fait un mariage de rapt; tout le monde était contre nous. Mes parents étaient catégoriquement contre le mariage. Ses parents étaient indifférents. Son responsable dans l'armée l'a mis en prison pour quelque temps pour l'empêcher de se marier avec moi, la musulmane. Les religieuses responsables de l'hôpital – lieu de mon travail – étaient complices avec mes parents; elles leur racontaient les détails de mes rencontres avec Talal, quand il venait me voir à l'hôpital.

Le mariage de rapt était la seule solution pour nous deux. Mes parents refusaient de m'écouter, ils voulaient, à tout prix, que je m'éloigne de Talal ».

Mirvat raconte : " Dans le but de m'éloigner de lui, mes parents ont demandé ma mutation professionnelle dans une autre école. Ce changement de lieu de travail n'a pas pu changer notre objectif, Elias et moi, de vivre ensemble et de nous marier".

Rana raconte :

" Au début de notre relation, nous étions très heureux; jusqu'au jour où mon père et la directrice de l'école ont su notre histoire. Tous les deux ont utilisé tous les moyens possibles pour m'éloigner de lui. Dès lors, je ne le voyais qu'en cachette à l'école".

Elle continue en racontant son problème avec les voisins et sa sœur :

" Quand les habitants du village rencontraient mon amoureux dans le quartier, ils se précipitaient pour annoncer la nouvelle à mes parents. Et de nouveau, les disputes habituelles recommençaient à la maison; ils m'interdisaient de sortir sans être accompagnée de ma mère ou de ma soeur.

J'ai essayé de discuter longuement avec ma soeur pour qu'elle m'aide à convaincre mes parents de mon amour pour ce jeune homme, mais en vain. Tout le monde était contre moi; personne de ma famille, n'acceptait ma relation avec "le musulman". Ma soeur me disait toujours qu'elle n'acceptera jamais ma relation avec ce type parce qu'elle ne croit pas à cet amour, elle ne croit pas au mariage mixte, avec une personne d'une autre religion. Je ne m'entendais jamais avec ma soeur sur ce sujet".

Cependant, les interventions extérieures peuvent parfois être positives :

" Nos amis et surtout ma cousine unique (qui portait mes secrets) nous ont beaucoup aidés à nous rencontrer " (Rana).

"Je l'ai fréquenté six ans en cachette avant le mariage, et ma sœur était la seule à être au courant de notre relation" (Ghina).

Chaque couple peut développer une véritable stratégie pour se faire reconnaître dans le groupe d'origine de chaque partenaire. Telle Ghina qui a présenté d'abord son bien-aimé chrétien à la grande sœur influente qui va se donner quelques mois pour annoncer graduellement le projet de mariage de sa sœur avec un étranger à toute la famille.