9.2.5- Les examens de passage

Le partenaire étranger subit une sorte d'examen de passage. L'insertion de l'époux (se) étranger (ère) n'est jamais totale ni définitive. Il doit faire ses preuves, en somme, pour se légitimer auprès des membres de la belle-famille, comme tout marié. Mais dans le cas du mariage mixte, la nature des épreuves va porter justement sur la nature du lien et de l'adhésion avec le groupe. Ce contrôle social s'exerce continûment sur le conjoint étranger, mais aussi sur le couple et plus tard sur l'enfant.

Réussir ou non cet examen de passage, conditionne en grande partie l'intégration du conjoint étranger dans sa belle-famille.

Tableau n˚24- Répartition de la population masculine selon la religion et le sentiment d'intégration dans la belle-famille
Tableau n˚24- Répartition de la population masculine selon la religion et le sentiment d'intégration dans la belle-famille

Presque la moitié des hommes se sentent "beaucoup" intégrés dans leur belle-famille parmi eux 25% sont musulmans et 15.9% sont chrétiens.

20.5% enquêtés ne s'y intègrent "pas du tout" dont 13.6% chrétiens et 6.8% musulmans. 31.8% ont du mal à s'intégrer totalement.

Tableau n˚25- Répartition de la population féminine selon la religion et le sentiment d'intégration dans la belle-famille
Tableau n˚25- Répartition de la population féminine selon la religion et le sentiment d'intégration dans la belle-famille

47% des femmes se sentent bien intégrées dans leur belle-famille dont 32.6% musulmanes et 14.4% chrétiennes.

37.1% se sentent "plus ou moins intégrées" dont 25% chrétiennes et 12.1% musulmanes. 12.9% ne sont pas du tout intégrées dont 9.1% chrétiennes.

Sans oublier les 6.8% d'hommes et les 3% de femmes qui préfèrent ne pas répondre à cette question qui engendre, peut-être, beaucoup de souffrance en eux.

En général, nous remarquons que le taux d'intégration des femmes est supérieur à celui des hommes. Quant à la religion, les musulmans se montrent plus intégrés que les chrétiens.

La femme renonce à valoriser les pratiques culturelles et religieuses de son propre milieu familial, pour accepter celles de son mari et les faire adopter par ses enfants. Cette stratégie du renoncement s'explique par le profond détachement de la femme envers sa propre famille. Elle s'intègre bien dans sa belle-famille et elle y est bien appréciée. Elle adhère aux intérêts du groupe de son mari, qui en font l'agent le plus sûr de la reproduction de la lignée. Ces dispositions se manifestent notamment par sa détermination à inscrire sans ambiguïté ses enfants dans la lignée paternelle, qu'il s'agisse de leur socialisation religieuse, du choix de leurs prénoms...

On attend de l'épouse étrangère (comme d'ailleurs de toute belle-fille) qu'elle fasse les efforts nécessaires pour se faire accepter, c'est-à-dire qu'elle en vienne à adopter les façons de faire et le mode de vie de la famille dans laquelle elle est entrée, ou qu'elle renonce à la prétention d'éduquer ses propres enfants selon des normes autres que celles du groupe familial de son père. Si elle se conforme à ces attentes, elle peut être intégrée sans problèmes particuliers, sinon, elle sera rejetée.

Contrairement aux attentes dont est l'objet la bru étrangère, on n'attend pas du gendre étranger qu'il se soumette. On n'attend pas du gendre étranger qu'il embrasse la culture et la religion de son épouse, on ne s'attend guère à le voir renoncer au privilège de transmettre à sa descendance ses propres traditions familiales. "On attend pas du gendre étranger qu'il se soumette, on attend qu'il demeure invisible" (STREIFF-FENART, 1989, p.67).

La plupart des femmes enquêtées se sont converties à la religion de leur conjoint soit avant, soit après le mariage. Elles sont très rares, celles qui ont pris la décision par conviction, la plupart l'ont prise pour une meilleure intégration. Cette formalité a été nécessaire pour l'admission officielle de certaines épouses dans la famille de leurs conjoints.

"Avec ce mariage, j'ai perdu mes parents. Ils sont toujours contre moi. Par contre, je me sens bien dans ma belle-famille. Cette année, je suis devenue comme eux, je me suis baptisée comme eux" (Ghina).

Malgré le sentiment d'intégration de Ghina dans sa belle-famille, elle avait besoin d'être baptisée pour devenir "comme eux", pour se sentir mieux intégrée dans sa belle-famille chrétienne.

C'est souvent la belle-mère qui joue le rôle d'examinateur et décide implicitement ou explicitement de l'entrée du conjoint dans le groupe qu'elle convainc ensuite. Le récit d’Yvette - ci-dessous – en est la meilleure preuve.

Il arrive souvent par contre que la mère fasse preuve de compréhension, et tente de jouer les conciliatrices. Elle est toujours la dernière avec laquelle la communication est rompue, et la première avec laquelle le contact sera éventuellement renoué ultérieurement.

Le sentiment d'intégration du conjoint "étranger" se traduit par les visites rendues à la belle-famille :

Tableau n˚26- Répartition de la population féminine selon la fréquence des visites chez la belle-famille
Tableau n˚26- Répartition de la population féminine selon la fréquence des visites chez la belle-famille

56.1% des femmes enquêtées rendent "toujours" visite à leur belle-famille. Dans certains cas, l'expression "toujours" peut désigner la possibilité de la proximité du logement : l'homme marié réside parfois, avec sa partenaire, chez ses parents ou dans le même immeuble. 23.5% lui rend visite de temps en temps, 15.2% rend visite à sa belle-famille occasionnellementet 5.3% n'ont aucune relation avec la belle-famille.

Tableau n˚27- Répartition de la population masculine selon la fréquence des visites chez la belle-famille
Tableau n˚27- Répartition de la population masculine selon la fréquence des visites chez la belle-famille

54.1% des hommes rendent visite d’une façon régulière à leur belle-famille. 20.5% lui rend visite de temps en temps, 11.2% occasionnellementet pour 13.6% il n'y a aucune relation avec la belle-famille.

Nous remarquons qu'un nombre important des enquêtés ont des relations fragiles ou même n'ont aucune relation avec leur belle-famille. Il est sûr que l'histoire de la naissance de leurs couples, confrontée au refus des familles, a eu une grande influence sur la qualité de la relation. Le conjoint "étranger" a peut-être subi le mépris et l'irrespect de sa belle-famille, et parfois, il est difficile d'oublier ou de pardonner. De même, certaines belles-familles ont toujours du mal à accepter le gendre étranger ou la belle-fille étrangère. Et comme nous l’avons vu précédemment, dans certaines familles, les ruptures durent toujours depuis des années.