9.3.2- La médisance

"On a fait croire à la société que c'était un mariage de rapt. C'était la volonté des parents pour éviter le qu'en-dira-t-on" (Ghina).

"Je suis musulmane et mon mari est chrétien. Nous avons une fille qui a huit ans. Mon époux n'est pas pratiquant. Mon père était d'accord pour notre mariage malgré la différence de religion. Mais pour éviter les critiques de l'entourage ou plutôt pour éviter que son entourage le critique et le rende indigne, il nous a demandé, à mon fiancé et moi, de faire un mariage de rapt; comme s'il n'était pas d'accord pour notre mariage. Le mariage de rapt va sauver son image auprès des habitants du village et surtout auprès de son entourage. Par contre, pour combler son absence, il a demandé à un ami intime de le remplacer , durant la cérémonie du mariage et de rester à mes côtés" (Moubarka, femme musulmane, 40 ans).

Certains enquêtés vivent dans une ambiance sociale où la parole circule et vise à critiquer leur couple. Il s'agit, pour beaucoup des enquêtés, d'une réalité inadmissible.

Graphique n˚6- Répartition de la population selon les critiques de l'entourage sur la mixité du couple
Graphique n˚6- Répartition de la population selon les critiques de l'entourage sur la mixité du couple

56.8% de la population ne reçoivent jamais de critiques sur la mixité de leur couple. Cependant, 42.6% les reçoivent dont 13.1% d'une façon régulière et 29.5% "de temps en temps".

Les gens de l'entourage n'hésitent pas à utiliser des surnoms et des étiquettes sociales, parfois ironiques, pour désigner les enquêtés ou leur couple mixte.

Graphique n˚7- Répartition de la population selon les surnoms lancés par l'entourage pour désigner leur couple mixte
Graphique n˚7- Répartition de la population selon les surnoms lancés par l'entourage pour désigner leur couple mixte

34.6% des enquêtés entendent des surnoms plus ou moins désagréables sur leur couple mixte, à des degrés différents. Parfois, par un acte de politesse ou d'hypocrisie, les gens ne lancent pas souvent leurs critiques en face des gens concernés. Ce qui conduit à se méfier de ces 63% des personnes qui se croient sauvées des surnoms émis par l'entourage.

"Notre société est très dure; j'ai peur pour mes enfants, j'ai peur des critiques que la société va leur envoyer : la société chrétienne va les critiquer : ils sont les enfants du Musulman; et la société musulmane va leur reprocher d'être les enfants de la Chrétienne. J'ai l'impression d’être en prison. Notre société n'est pas prête à accueillir des couples mixtes (Maria, chrétienne, 50 ans).

" Après notre mariage, j'entendais toujours ces mots : c'est la musulmane que Talal a épousée. Ma vie conjugale n'est pas très réussie. J'avoue que je n'ai pas pris le temps de bien le connaître, et de connaître son entourage. Le problème n'est pas sa religion mais son entourage" (Nawara, musulmane, 51 ans).