9.3.3- « Paradis » ou « enfer »

"La société me fatigue pourtant tout le monde m'aime et m'accepte. Il y a parfois des attitudes qui me g ênent :

Un jour, une voisine qui ignorait que je suis musulmane est entrée chez moi pour boire un café et elle a vu la photo de ma belle-soeur qui porte le voile. Elle m'a demandé : qui est-ce ? J'ai répondu : c'est ma belle-soeur avec mon frère. J'ai lu sur son visage des points d'exclamation et d'étonnement. Elle ne le savait pas.

Et d'autres voisines, qui connaissaient mon origine, ont essayé de me montrer leur ouverture d'esprit, mais c'était artificiel et même hypocrite. Ces attitudes me fatiguent et je souhaite de tout mon coeur de me lever un jour et de me trouver, avec ma fille et mon époux, dans un pays non-confessionnel, qui ne s'intéresse pas aux différences religieuses, où il y a le respect de l'Homme quelle que soit sa religion, son origine, etc. Oui, l'environnement ici m'étouffe" (Moubarka, musulmane, 40 ans).

Tableau n˚30- Répartition de la population féminine selon le vécu de la mixité du couple en société
Tableau n˚30- Répartition de la population féminine selon le vécu de la mixité du couple en société

Ce tableau essaie de traduire le vécu des partenaires femmes enquêtées par rapport à la mixité religieuse de leur couple. 62.1% vivent "bien" leur mixité; 19.7% la vivent "plus ou moins bien", 8.3% la vivent "mal" ou "plus ou moins mal" et 3% dont certaines ont précisé qu'au début de leur vie conjugale, elles ont vécu beaucoup de difficultés, d'autres ont été obligées en certains endroits, d'utiliser leur nom de jeune fille pour cacher leur mariage avec une personne appartenant à une autre religion (vu la différence des noms selon la religion).

Tableau n˚31- Répartition de la population masculine selon le vécu de la mixité du couple en société
Tableau n˚31- Répartition de la population masculine selon le vécu de la mixité du couple en société

65.9% des hommes vivent bien leur mixité en couple, 13.6% "plus ou moins bien", 4.6% la vivent "mal" ou "plus ou moins mal". Notons que 13.6% des hommes n'ont pas répondu à cette question, est-ce pour éviter de parler d'une certaine souffrance ?

Face à un environnement qui a été éventuellement très hostile à cette union, la réussite du couple devient l'objectif des conjoints qui ont à faire la preuve de leur bonne entente, de sorte que l’on n'ait rien à leur reprocher. Cette recherche d'harmonie se paie cher. Elle s'établit au prix d'un effort soutenu, surtout pour le conjoint étranger. Il est amené à démontrer ses qualités d'époux (se) et ses aptitudes pour s'intégrer dans la communauté de son (sa) partenaire. L'épouse étrangère devra se surpasser pour correspondre le plus possible aux normes de la société de son époux, en tant qu'épouse, mère et femme travaillant à l'extérieur.

En effet, l'insertion du couple mixte dans un milieu s'est souvent faite avec beaucoup de difficultés, notamment au détriment du conjoint étranger.

En conclusion, cette opposition du cercle familial et amical à l'union mixte n'est pas nouvelle ni unilatérale. Elle trouve ses racines dans les guerres intercommunautaires - connues dans l'histoire du Liban – qui ont renforcé des préjugés déjà bien établis.

Le couple mixte est le lieu privilégié et en même temps difficile de la rencontre de deux personnes dont l'enjeu est de vivre une intensité affective durable, dans un environnement non préparé à leur faciliter cette expérience originale.

Les refus familiaux et les critiques de l’entourage persécutent énormément les couples mixtes. Cette réalité peut leur faire vivre une souffrance qui peut engendrer des conséquences négatives sur leur vie de couple.

« Etrangers » l'un à l'autre de par la religion, comment peuvent-ils envisager une vie commune en restant « étrangers » l'un pour l'autre ?