10.1.3- Nostalgie

" Ce qui me gêne le plus c'est le fait que je célèbre les fêtes musulmanes chez mes parents et pas chez moi" (Nawara, musulmane, 51 ans).

Le mot « fête » dans le langage courant évoque la joie et le plaisir vécus en groupe. Les fêtes nous fournissent des points de repère et la modulation des rythmes vitaux de l'individu et de la société. Elles constituent des moments privilégiés qui ponctuent le temps. Elles marquent le calendrier et lui donnent des teintes différentes pour entretenir la tradition et la conserver. Elles constituent des soupapes de sécurité pour les contraintes de la vie en société. Elles représentent des instants exceptionnels où le sujet renforce ses liens avec l'ensemble de la société.

Au Liban - à part les fêtes nationales - les fêtes ont une connotation religieuse; elles sont réparties d'une façon équilibrée en nombre : quatorze fêtes musulmanes (ex. l'Aïd al-Fitr 29 , l'Aïd al-Adha 30 ) et quatorze chrétiennes. (Ex. Noël 31 ).

Tableau n˚36- Répartition de la population masculine selon la religion et le choix des fêtes religieuses
Tableau n˚36- Répartition de la population masculine selon la religion et le choix des fêtes religieuses

Parmi les hommes musulmans, 27.3% vivent les deux fêtes religieuses, musulmane et chrétienne. 15.9% célèbrent seulement les fêtes musulmanes.

Parmi les hommes chrétiens enquêtés, 13.6% fêtent les deux fêtes, musulmanes et chrétiennes. 31.8% participent seulement aux fêtes chrétiennes. 2.3% fêtent exclusivement les fêtes musulmanes.

Tableau n˚37- Répartition de la population féminine selon la religion et le choix des fêtes religieuses
Tableau n˚37- Répartition de la population féminine selon la religion et le choix des fêtes religieuses

Quant aux femmes musulmanes, 25% célèbrent les deux fêtes religieuses. 23.5% les fêtes chrétiennes et 0.8% les fêtes musulmanes.

Parmi les femmes chrétiennes, 31.1% fêtent les deux, 9.1% les fêtes chrétiennes et 7.6% les fêtes musulmanes.

Ce tableau expose un nombre important des enquêtés, dont les fêtes religieuses, musulmanes et chrétiennes, sont partagées dans leur couple. Apparemment, les fêtes des deux religions sont bien respectées mutuellement par les partenaires. Cependant, ce qui nous frappe c'est le nombre des femmes musulmanes qui ne fêtent pas leurs fêtes mais celles du conjoint. Et toujours la même question se pose : est-ce par conviction ou par obligation ?

Un bon nombre des femmes enquêtées ont précisé qu'elles fêtent leurs fêtes religieuses chez leurs parents : à part la recherche de la vraie ambiance de la fête, cela donne l'impression que, dans leur foyer conjugal, il leur manque un certain espace pour vivre leur religion.

Ajoutons que certaines femmes ne se mettent en lien avec leur religion que durant les fêtes religieuses; ces dernières ne représentent pour elles qu'une soupape d'oxygène.

Les fêtes sont des moments précieux pour l'adulte qui réactivent ses souvenirs d'enfance. Même si les conjoints décident de renvoyer dos à dos leurs religions, il y a des retours épisodiques à certaines pratiques. Le conjoint musulman, au moment du jeûne du Ramadan, ou le conjoint chrétien, durant les fêtes de Noêl, n'échappera pas tout à fait à l'envie de faire comme les autres, c'est-à-dire d'être identique à ceux de sa communauté originelle.

" Avant le mariage, j'étais catholique, mais je n'étais pas pratiquante. J'aimais la messe, mais je n'y participais pas. Après le mariage, j'ai réalisé que nos fêtes chrétiennes comptaient beaucoup pour moi. Je ne célèbre pas leurs fêtes, elles ne me concernent pas ; mais je ne peux non plus fêter mes fêtes chrétiennes parce que je suis parmi eux.

Depuis mon mariage, je n'ai pas vécu les fêtes. Ce sentiment est la conséquence la plus néfaste des mariages mixtes.

À l’occasion des fêtes chrétiennes, j'achète toujours de nouveaux habits à mes enfants; je n'ai jamais senti le besoin de le faire pour les fêtes musulmanes. Ma famille critique toujours les couleurs portées par les Musulmans" (Maria, chrétienne, 50 ans).

Comment les 19 couples enquêtés vivent-ils les fêtes dans leur couple ? Participent-ils aux fêtes ?

a) Musulmanes

b) Chrétiennes

c) Musulmanes et chrétiennes

d) Aucune

e) Autres

f) Sans réponse

Tableau n˚38- Opinions des 19 couples enquêtés au sujet des fêtes religieuses
Tableau n˚38- Opinions des 19 couples enquêtés au sujet des fêtes religieuses

7 (2c) : Parmi les dix-neuf couples, sept couples participent aux deux fêtes musulmane et chrétienne, ensemble.

5 (2b) : Cinq couples - où l'homme est chrétien - ne commémorent que les fêtes chrétiennes.

2 (ac) : Deux couples où l'homme fête les fêtes musulmanes et la femme les deux. Dans l'un des couples, l'homme est chrétien.

2 (bc) : Deux couples où l'homme chrétien vit les fêtes de sa religion et la femme vit les deux fêtes, musulmanes et chrétiennes.

1 (2a) : Un couple - où l'homme est musulman - dont les deux partenaires honorent les fêtes musulmanes.

Nous constatons que dans certains couples, les partenaires partagent mutuellement leurs fêtes religieuses. Cependant dans d'autres couples, nous remarquons la domination d'une religion sur l'autre, et c'est souvent la religion de l'homme qui domine.

Notes
29.

Un mois sacré, de jeûne et de recueillement chez les musulmans.

30.

Fête du sacrifice et du partage par excellence chez les musulmans.

31.

A Noël, les chrétiens fêtent la naissance du Christ