10.2- « Chez eux, il y a le divorce » 32

"Nous nous sommes fiancés, nous sommes sortis ensemble et je croyais que je le connaissais; mais je n'étais pas mûre. Son éducation est différente de la mienne. Dans la religion musulmane, c'est normal d'avoir plusieurs femmes" (Yvette, chrétienne, 40 ans).

Dans les chapitres précédents, nous avons détaillé la différence conceptuelle entre le mariage musulman et le mariage chrétien. Les opinions des enquêtés sur la conception du mariage sépareront aussi les partenaires. Les enquêtés, quant à eux, traduisent cette différence théorique par des expressions simples mais chargées parfois de jugement.

"Je suis contre le mariage mixte avec un musulman parce que les différences sont énormes entre les deux religions : le christianisme et l'islam.

L'islam est pour le divorce et la polygamie. Il y a une différence dans la religion même : pour nous chrétiens, Jésus est le seul Seigneur qui a été crucifié et ressuscité, pour eux les musulmans, il est un prophète. Pour eux, l'évangile est falsifié et souvent ils répètent que nous sommes des infidèles et des incroyants. Alors comment peut-on vivre avec ces gens là, et surtout dans le cadre du mariage ? C'est impossible" (Antoinette, chrétienne, 45 ans).

"Sa religion est différente de la mienne, leurs cérémonies de mariage et leurs fêtes sont différentes des nôtres " (Mirvat, musulmane, 50 ans).

Cependant, les résultats nous montrent que la majorité des enquêtés n'ont pas réfléchi, avant le mariage, à la différence de leurs deux religions, notamment à la différence des deux mariages musulman et chrétien.

Et voilà, la peur de l'autre "différent" réapparaît. "Chez eux il y a le divorce" : cette expression traduit "l'angoisse de séparation". Cette femme chrétienne a presque perdu toute confiance en l'autre, elle s'attend à être répudiée un jour ou l’autre. L'écho de la voix de sa mère qui répétait, sans se lasser, avant le mariage : "il t'expulse un matin et tu n'auras même pas le temps de goûter le plat que tu prépares", lui revient à l’esprit.

Et le lien conjugal est menacé de destruction; les préjugés portés sur l'autre, sur sa religion, refont surface.

En revanche, d'autres enquêtés ont exprimé qu'après avoir connu la religion de l'autre, elles l'ont adoptée par conviction personnelle. Elles se sont données le temps de le connaître : "Quand j'ai découvert la religion de mon mari, je l'ai beaucoup appréciée et j'aimerais que mes enfants adoptent la religion musulmane" (femme chrétienne).

De même que par la parole, l’on peut se connaître, de même par la parole l’on peut se détruire.

Notes
32.

Expression dite par une des enquêtées