10.3.1- Le canon verbal

Dans le couple, plus qu'en tout autre relation, la langue est bien la meilleure et la pire des choses. Les mots peuvent souiller la relation amoureuse jusqu'à la détruire : ceux qui dévalorisent, reprochent, accusent, culpabilisent…

Tableau n˚39- Répartition de la population masculine selon les critiques lancées par le conjoint
Tableau n˚39- Répartition de la population masculine selon les critiques lancées par le conjoint

65.9% des hommes enquêtés reçoivent des critiques de leurs femmes sur leur "façon de faire"; 4.6% sur leur religion et leur famille.

Tableau n˚40- Répartition de la population féminine selon les critiques émises par le conjoint
Tableau n˚40- Répartition de la population féminine selon les critiques émises par le conjoint

50.8% des femmes reçoivent des critiques de leurs conjoints sur leur "façon de faire"; 6.8% reçoivent des critiques sur leur religion et 3.8% sur leur famille.

Notons que 22.7% d'hommes et les 34.8% des femmes reçoivent des critiques diverses en lien avec le tempérament.

6.8% hommes et 3.8% femmes ont refusé de déclarer le sujet des critiques de leur conjoint, s’agit-il de critiques assez blessantes ?

Notons que les critiques sur la famille peuvent cibler indirectement la religion. Ajoutons qu'un nombre important d'enquêtés, et surtout des femmes, ont parlé des critiques reçues sur leur "façon de faire" liées directement à leur religion.

" Lui, il n'est pas du tout ouvert; il profite de toute occasion pour dévaloriser ma religion. Il répète souvent et surtout lors de nos disputes : "tu portes des bracelets comme les musulmans; les musulmans ne sont pas propres". Il surnomme les femmes musulmanes de nos trois voisins par le mot "ordures" (Mirvat, musulmane, 50 ans).

Les dix-neuf couples enquêtés ont répondu à la question suivante : Quand vous vous disputez, votre conjoint vous fait des critiques sur :

a) Votre religion

b) Votre façon de faire

c) Votre famille

d) Autres

e) Sans réponse

Tableau n˚41- Opinions des 19 couples enquêtés au sujet des critiques lancées par le conjoint au moment des disputes
Tableau n˚41- Opinions des 19 couples enquêtés au sujet des critiques lancées par le conjoint au moment des disputes

11 (2b) : Parmi les 19 couples, onze couples dont les deux partenaires s’émettent réciproquement des critiques sur leur "façon de faire".

3 (2d) : Trois couples dont les partenaires se critiquent sur des sujets divers : sujets de la vie quotidienne, caractère de l'autre…

1 (2c) : un couple sur 19 dont chacun des deux partenaires dévalorise la famille de l'autre.

1 (ab) : un couple sur 19 dont l'un (femme chrétienne) critique la religion de l'autre.

1 (bc) et 1 (cd) : deux couples dont l'un des deux partenaires critique la famille de l'autre.

Dans le couple mixte, chaque partenaire prend facilement pour injures ou atteintes personnelles toutes les critiques adressées à sa culture (ou à sa religion). Lui-même se permet des jugements parfois très sévères sur sa culture, mais refuse à son conjoint (ou à sa conjointe) d’émettre un avis. Le conjoint devient alors un « étranger » comme les autres de sa culture.

Lorsque la communication est difficile, que les choses ne peuvent pas être exprimées sur-le-champ, ces non-verbalisations produisent de légères rancoeurs que nous réprimons afin de ne pas faire de « vagues » inutiles. Mais leur accumulation produit malgré tout un certain énervement, une certaine colère et conduit, en certaines occasions, notre parole à dépasser notre pensée.

Imperceptiblement la remarque se teinte d'affects et quitte le domaine de la suggestion objective pour se transformer en reproches. C'est la plupart du temps dans ces moments que les impolitesses se mettent à « pleuvoir » au sein du couple. Les reproches produisent une difficulté à trouver la bonne forme de communication. Ils sont un symptôme d'un mal-être profond.

Les reproches agissent sur une représentation subjective et arbitraire de la réalité. Ils se basent sur des clichés, des idées toutes faites, des préjugés indifférenciés. Ils touchent l'autre, non pas dans ce qu'il est réellement, mais dans ce que nous pensons de lui.

Les reproches réactualisent, au niveau du couple, une situation de mépris destructeur vécu socialement, historiquement dans l'affrontement des deux groupes.

Il s'agit, dans les reproches, d'un règlement de comptes subjectif, arbitraire, destiné à mettre l'autre en position de culpabilité et d'infériorité. On connaît les faiblesses et les points sensibles de l'autre et on va les exploiter. Les reproches ont souvent pour but de rabaisser, de blesser, de faire souffrir ou d'humilier.

Le couple devient le lieu privilégié des impolitesses et des accusations. C'est comme si la proximité émanant de la vie à deux autorisait dans le couple ce qu'on se refuse ailleurs par crainte des conséquences.

Les reproches peuvent ruiner un couple. En attaquant systématiquement la personnalité de notre compagnon ou de notre compagne, nous en détruisons en même temps l'image que nous nous en faisons par rapport à nous-mêmes. En ternissant l'image de l'autre, c'est aussi celle de notre couple et la nôtre propre que nous ternissons. Tout reproche adressé à son partenaire, atteint son but et laisse une blessure qui cicatrisera mal. L'autre se montre soudain comme on ne l'avait jamais imaginé, dans une vérité nouvelle. Les aspects négatifs de cette vérité nouvelle deviennent un obstacle pour reconsidérer l'autre et l'apprécier.

Quand les partenaires ont suffisamment de lucidité, de recul, la crise devient un moment privilégié de restructuration du couple : recherche d'autres bases, reconstruction de nouveaux rapports.