10.8- Le dernier mot

Normalement, dans un couple, les décisions se prennent sans que l'un ou l'autre ne veuille généralement céder, les négociations se font sur un pied d'égalité. Les partenaires se considèrent à égalité sur tous les plans : décisions, critiques, impact sur l'autre. Cependant, des interventions externes pourraient avoir lieu, nuisant directement ou indirectement, à l'intimité et au bon fonctionnement du couple. Parmi ces interventions, notons celles des familles.

Tableau n˚64- Répartition de la population selon l'intervention des belles-familles dans les décisions du couple
Tableau n˚64- Répartition de la population selon l'intervention des belles-familles dans les décisions du couple

25.6% des belles-familles interviennent dans la vie du couple des enquêtés. Des nuances ont été apportées dans les deux rubriques "selon les sujets" et "autres" : parfois, les familles interviennent seulement dans les sujets qui concernent les enfants : le prénom, le choix de l'école... vu que l'enfant est considéré comme celui qui assure la lignée et la continuité du nom de la famille. En revanche, 73.9% donnent une image autonome de leur couple : personne n'intervient et même n'a le droit d'intervenir dans leur vie de couple.

On laisse à ce graphique le soin de nous montrer le degré de dépendance et d'autonomie des couples des enquêtés par rapport à leurs familles.

Graphique n˚12- Répartition de la population selon l'intervention des belles-familles dans les décisions du couple
Graphique n˚12- Répartition de la population selon l'intervention des belles-familles dans les décisions du couple

Est-ce possible que le couple au Liban puisse vivre une telle indépendance ou s'agit-il plutôt d'un rêve souhaité par les enquêtés ?

Ajoutons que certains couples vivent sous le toit parental du mari où le territoire privé du couple est quasiment nul. Dans ce cas, le couple sera plus exposé aux interventions étrangères.

Chaque personne a besoin de son territoire personnel : intérieur et physique. Le territoire personnel est le domaine le plus privé de l'individu. Il s'agit d'une question de frontière personnelle. Imaginons que nous soyons à l'intérieur d'une pièce qui représente notre territoire interne. Si les poignées des fenêtres et de la porte sont à l'intérieur de la pièce, nous pouvons protéger cet espace. Si les poignées sont aussi à l'extérieur, il est possible à tout moment de subir des intrusions.

L'espace personnel correspond à une portion d'espace située autour de soi et où toute incursion de l'autre, si elle n'est pas souhaitée, est considérée comme une intrusion – voire une agression dans certains cas – entraînant des sentiments d’antipathie et parfois une attitude de retrait.

Tout individu a réellement besoin d'un minimum d'espace personnel afin de conserver son équilibre interne et de se sentir en sécurité.

Le couple a besoin d’un "chez soi", d'un lieu du partage spatial, dans lequel il peut vivre intimement sa joie, sa souffrance, ses hésitations, ses décisions... Les intrusions familiales violent l'intimité du couple et peuvent même détruire son identité spécifique. C'est souvent que l'on parle de l'intrusion de la belle-mère, qui veut à tout prix prendre une part dans les décisions du jeune couple, cela peut aller jusqu’à l’extrême : gérer leur vie.

"Sa mère était contre notre mariage et elle l'est toujours. Elle voulait que son fils se marie avec une musulmane. Elle a promis de nous séparer un jour.

Aujourd'hui, elle a réussi à réaliser ce qu'elle voulait. Mon mari s'est remarié avec une musulmane …. Durant toute notre vie commune, il était très attaché à sa mère" (Yvette, chrétienne, 40 ans).

C'est le pouvoir de la femme belle-mère, dans cette histoire, qui a gâché la vie de ce couple. Il nous semble que le mari d'Yvette a un lien très fort avec sa maman. S'agit-il d'un œdipe pas tout à fait assumé ? Le pouvoir de cette belle-mère est allé jusqu'au bout : détruire le mariage de son fils pour le remarier à une fille musulmane comme elle.

En conclusion, l’entrée en mariage a impliqué un certain nombre de décisions, celles du lieu et de la forme donnée à la célébration, celles du choix de la résidence et des modalités d’installation du couple. Les débuts de la vie matrimoniale voient se dessiner la forme de l’interaction conjugale et s’instaurer les rapports du couple avec son environnement social, et notamment avec les parents et les amis de chacun des conjoints. Souvent, les conflits familiaux qu’a suscités l’annonce du projet de mariage n’ont pas été résolus, et les liens sont rompus ou distendus avec l’une ou/et l’autre des familles d’appartenance des époux.

Ainsi, toutes ces difficultés rencontrées dès le début de l’histoire amoureuse, ont malheureusement des répercussions sur la vie à deux : le poids de la société empêche souvent le couple mixte de vivre en paix ; ajoutons toutes les empreintes et les stéréotypes qui sont portées par chacun des deux conjoints sur l’autre « différent ».

Mais, dans beaucoup de familles, l'enfant est le pont de réconciliation entre le couple et ses deux familles. À la naissance d’un enfant, même s’ils étaient opposés à l’intrus(e), les beaux-parents deviennent des grands-parents, les frères et sœurs des oncles et des tantes, etc.

La naissance d’un enfant dans un couple mixte chrétien/musulman au Liban : qu’apporte-t-elle au couple mixte ?