11.3- Mon enfant s'appelle…

Le prénom, comme les autres caractéristiques définissant l'identité de l'enfant, peut donner l'orientation culturelle de l'enfant. Le prénom, premier signe visible de cette assignation et élément primordial de l'identité, peut indiquer le sens que prendront les choix ultérieurs des parents à son égard, sans préjuger des changements qui peuvent intervenir.

‘« Pour les couples mixtes, l’attribution du prénom n’est jamais un choix neutre. Elle ne peut pas l’être, du fait même de la fonction symbolique que remplit le nom personnel dans la définition de l’identité sociale de l’individu. D’une part, le prénom représente l’un des marqueurs le plus « classant » pour repérage de l’origine ethnique…le nom personnel joue le rôle d’indicatif de classe et de marque d’identification, rôle d’autant plus important que les autres signes permettant l’identification ethnique… Le choix du prénom du premier-né représente donc toujours pour le couple mixte, la première occasion de confrontation entre deux choix identitaires : l’un visant à éviter les effets stigmatisants, qu’entraîne la possession d’attributs culturels caractéristiques d’un groupe socialement méprisé ; l’autre visant à manifester à travers eux et de façon ostentatoire, la fidélité à un groupe d’origine dont le reniement est, du fait même du mariage mixte, en question.
L’attribution du prénom et l’affiliation religieuse constituent les deux enjeux décisifs de la lutte d’influence qui oppose les deux groupes familiaux pour l’appropriation de l’enfant. Bien plus que la langue, le prénom et la religion représentent les signes manifestes de l’inscription de l’enfant dans l’une ou l’autre lignée, et plus généralement dans l’une ou l’autre… »(STREIFF-FENART, 1989, p.116).’

L’attribution du prénom au premier enfant est presque toujours pour les conjoints des couples mixtes, et à travers eux pour leurs familles d’origine, l’occasion d’une remise en jeu de la définition de l’identité familiale.

C’est donc essentiellement autour de ces deux marqueurs de l’appartenance que constituent le prénom et la religion, que va se focaliser la compétition entre les deux groupes familiaux, et que vont se dessiner les contours du compromis culturel établi par le couple parental. Le choix du prénom représente un choix particulièrement révélateur des stratégies identitaires des couples mixtes, puisqu’il les contraint à situer publiquement l’enfant par rapport à sa double origine culturelle, sans possibilité d’éluder la nécessité du choix.

Dès les premiers jours de la grossesse revient une question importante et significative : Quel prénom allons-nous choisir ? Déjà l'identité de l'enfant cherche à se fixer par la simple appellation phonique où il va se reconnaître et être reconnu par l'entourage. Indice qui peut paraître tout innocent et d'une valeur superficielle, mais dont on souligne la signification profonde.

S'agit- il d'un prénom chrétien ou musulman, ou…? Un problème important sur lequel il faut bien s'entendre.

Les prénoms en langue arabe peuvent être à connotation musulmane, chrétienne ou neutre. Ainsi, les prénoms Mohamed et Hassan indiquent nécessairement que les personnes qui les portent sont musulmanes. Les prénoms Boulos (Paul) et Boutros (Pierre) sont nécessairement des prénoms chrétiens. En revanche, les prénoms Sami et Jamal peuvent être portés aussi bien par des musulmans que par des chrétiens arabes.

Le problème peut surgir dans le couple mixte si l'un des deux conjoints ne souhaite pas que son fils ou sa fille porte des prénoms à connotation musulmane ou chrétienne pour une raison ou une autre.

Le prénom renseigne plus sur l’être des parents et sur la période précédant la naissance de l’enfant qu’il ne traduit sa future identité.

Quelles stratégies les enquêtés utilisent-ils dans leur couple pour gérer ce problème ?