11.5- Transmission

"Pour moi, c’était impensable de ne pas baptiser ma fille, il fallait qu’elle reçoive le sacrement du baptême, elle devait être chrétienne, maronite comme moi, et comme tous les habitants du village" (Boutros, chrétien, 45 ans).

" Ma fille est devenue musulmane. Cependant, j'avais la grâce de Jésus et du Saint-Esprit; qui m'ont aidée à baptiser ma fille et à lui faire faire la première communion. Aujourd'hui, elle pratique complètement sa foi chrétienne, avec l'accord de son père. Tout ça, grâce à ma prière chaleureuse et à l'aide de la Sainte Vierge.

On me dit : "vous êtes mariée avec un musulman et tout va bien"; non pas du tout, rien ne va. C'est juste la Providence divine qui m'a aidée et m'aide toujours, avec la force de ma foi, à pouvoir surpasser les difficultés et à pratiquer, avec ma fille, ma vie chrétienne comme il faut; merci Seigneur" (Antoinette, chrétienne, 45 ans).

À part la position de la loi qui tranche – au sujet de la transmission de la religion à l'enfant – il reste le désir des enquêtés – et surtout les femmes - de transmettre leur propre religion aux enfants.

Tableau n˚71- Répartition de la population selon le sexe, la religion et la transmission de "sa religion" aux enfants
Tableau n˚71- Répartition de la population selon le sexe, la religion et la transmission de "sa religion" aux enfants

50% hommes chrétiens enquêtés veulent transmettre "à tout prix" leur religion aux enfants contre 40.9% hommes musulmans. 31.8% Musulmans contre 18.2% Chrétiens préfèrent laisser "le choix aux enfants". 4.5% Musulmans pour 4.5% Chrétiens montrent une attitude indifférente.

18.2% femmes chrétiennes veulent "à tout prix" transmettre leur religion aux enfants. Cependant, aucune Musulmane enquêtée ne se déclare avoir une telle volonté. 47% Chrétiennes pour 22.7% Musulmanes préfèrent laisser le choix aux enfants de choisir leur religion. 21.2% Musulmanes contre 10.6% Chrétiennes se montrent "indifférentes".

22.7% Musulmans contre 22.7% Chrétiens et 54.5% Musulmanes contre 21.2% chrétiennes ont choisi la rubrique "autres". Les femmes ont exprimé leur ressenti :

Certaines femmes souhaitent transmettre leur religion à leurs enfants, mais elles n'ont pas le droit d'exprimer leur opinion; d'autres ont confirmé que leurs enfants l'ont déjà en cachette et elles sont tranquilles; d'autres ont exprimé leur incapacité de changer la situation :

"Mes enfants ont déjà la religion de leur père” , "je suis devenue chrétienne, mon mari est chrétien et certainement mes enfants seront chrétiens", "personne n’a fait le choix de sa religion, on l'hérite et on la transmet à nos enfants". Certaines d'autres essaient d'extraire le positif de la situation : "je pratique la religion chrétienne de mon mari, j'aime que mes enfants pratiquent leur religion parce qu'elle enseigne l'Amour, mais j'aime leur transmettre ce que je trouve bien dans ma religion musulmane". Certaines représentent le profil de la mère qui a peur du tiraillement de ses enfants entre deux religions, en conséquence, elles ont choisi de sacrifier leur propre religion :

" Mes enfants sont évidemment chrétiens. Ma fille me pose des questions sur ma religion, mais moi, je n'ai pas l'intention de transmettre ma religion à mes enfants. J'ai peur qu'ils se perdent entre les deux religions" (Ghina, musulmane, 32 ans).

Dans de nombreux couples mixtes, les parents auraient tendance à adopter des attitudes de retrait ou d'évitement face aux questions qui se posent pour l'avenir de leurs enfants. Ils peuvent même fuir en transférant sur l'enfant l'entière charge de ce choix différé : il choisira lui-même quand il sera apte à le faire. Pourtant, le choix de la religion se fait d’une façon naturelle à partir de ses pratiques religieuses au sein de sa famille et de son entourage. C'est très souvent un paravent qui cache un embarras et un manque de prise de responsabilité en tant que parents mixtes.

Les chrétiens en général baptisent leurs enfants en signe d'adhésion à l'Eglise. Les musulmans (et les juifs) font systématiquement et obligatoirement circoncire tous leurs enfants mâles. Dans certains pays, les Musulmans font aussi exciser leurs filles. Cette pratique est cependant inconnue dans de nombreux pays musulmans, Iran, Pays d'Afrique du Nord, Jordanie, Syrie, Irak… Les musulmans du Liban pratiquent la circoncision et certains choisissent le port du voile pour leurs filles. Dans cette recherche, j'ai choisi "le voile" - marque religieuse - chez les musulmans comme indicateur d'analyse.

L'attitude libératrice des 45.5% enquêtés, qui se sont montrés indifférents à la transmission de leur religion aux enfants, sollicite la curiosité. En demandant l'opinion des enquêtés au sujet du voile ou du baptême, on a eu les réactions suivantes :