12.10- Le fait accompli

La socialisation religieuse peut par exemple faire l’objet de ce qu’Augustin Barbara appelle la stratégie du « choix différé », consistant à reporter sur le futur adulte que sera l’enfant la responsabilité de « choisir » lui-même son identité confessionnelle. Cette stratégie du «il choisira plus tard» - cité par certains enquêtés - qui permet de faire l’économie du processus de négociation, peut difficilement être mise en œuvre dans le contexte libanais où le mariage est exclusivement religieux et où l'enfant hérite automatiquement de la religion du père.

Certains enquêtés ont choisi de contracter un mariage civil à l'étranger. Cependant, la situation n'est pas si simple, certains se sont trouvés dans l'obligation de contracter un mariage religieux au Liban "pour la société". La société n'est pas si tolérante. Il leur faut malgré leur tendance laïque un certain mariage religieux reconnu dans leur contexte social, afin que les enfants héritent de la religion du père. Ce n'est donc pas permis d'être totalement laïc au Liban.

Dans d'autres cas, Il est très rare que la conversion ou le changement de confession soit le fruit d'une conviction religieuse sincère et profonde. Certains, sinon la plupart des personnes changent leur religion ou leur confession pour échapper à une juridiction particulière et s'intégrer à la compétence d'une nouvelle autorité et d'un nouveau tribunal qui répondent mieux à leur désir dans la solution du problème posé.

C'est parfois, pour se débarrasser de sa femme et dissoudre son mariage sans lui payer d’indemnités ou de pension alimentaire que le catholique se convertit à l'islam ou adopte une confession orthodoxe. Il serait plus astucieux encore quand, par exemple, les deux conjoints catholiques, qui demandent le divorce et, sachant qu'ils ne peuvent l'obtenir auprès des tribunaux spirituels catholiques, ils s'accordent pour se convertir tous deux à l'islam ou à embrasser une confession orthodoxe, afin d’obtenir la dissolution pure et simple de leur mariage.

Les cas sont multiples et les astuces et les ruses dans le choix du tribunal qui répond à l'intérêt propre des personnes concernées sont innombrables. De telles situations, découlent d’énormes conflits de compétence entre les tribunaux.

Et la question se pose: jusqu’où va la liberté du citoyen ?