Contexte

Il convient de s’entendre sur l’état des colonies entre 1800 et 1810. Suite au traité de Paris de 1763, qui mettait fin à la guerre de Sept-Ans, la France ne dispose plus, dans l’Océan Indien, que de quelques comptoirs le long de la péninsule indienne (regroupés autour de Pondichéry, Karikal, Mahé, Yanaon et Chandernagor) et des îles de France, des Seychelles et de la Réunion 20 (les Mascareignes) ; en Amérique du Nord de l’île de Saint-Pierre et Miquelon et de la Louisiane ; de la Guyane en Amérique du Sud ; des comptoirs de Gorée et Dakar sur la côte de l’Afrique Occidentale. Mais les plus belles possessions coloniales de la France, ce sont les îles d’Amérique : la Martinique, la Guadeloupe et leurs dépendances (Sainte-Lucie, Tobago, etc.) et surtout Saint-Domingue.

La situation politique des colonies durant la révolution varie beaucoup, en fonction principalement de l'attitude adoptée vis à vis de l'esclavage. Celui-ci a été aboli à Saint-Domingue par les commissaires de la République le 29 août 1793, avant que la Convention n'étende la même mesure à toutes les colonies le 4 février 1794. Certains colons, plutôt que d'appliquer la décision du gouvernement, ont préféré livrer leur colonie aux ennemis de la France, anglais ou espagnols, comme à la Martinique ou à la Réunion. D'autres sombrent dans l'anarchie et la guerre civile suite à l'application, même partielle, de l'abolition : c’est le cas de la Guadeloupe et particulièrement à Saint-Domingue, où les révoltes noires et leurs répressions tournent aux massacres.

Lorsque le général Bonaparte arrive au pouvoir par le coup d’état du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799), la République a perdu presque toutes ses colonies : seule la Guyane et la Guadeloupe restent sous l’autorité directe du gouvernement ; les Mascareignes, si elles ont su résister aux Anglais, ont été suffisamment isolées pour se permettre de refuser l’application de certaines lois du gouvernement (comme l’abolition de l’esclavage) alors que Saint-Domingue, sous l’autorité de Toussaint-Louverture, se trouve dans un état proche de l’indépendance. Les autres possessions d’outre-mer sont aux mains des Anglais (Martinique, Tobago, Saint-Martin, comptoirs des Indes, etc.).

Figure 1 : Colonies françaises des Antilles et des Caraïbes (1802)

La France est alors toujours en guerre avec l’Angleterre, qui lui interdit la libre circulation de ses vaisseaux. Le premier Consul, préoccupé de relever la situation militaire européenne, ne peut se permettre d’envoyer que quelques maigres renforts aux garnisons des colonies qui restent encore à la République. La seule expédition coloniale d’une certaine envergure qui est alors préparée, l’envoi de plus de trois mille hommes de renfort à Saint-Domingue, est en fait un leurre : cette expédition est finalement dirigée sur l’Egypte. Ce sera d’ailleurs un fiasco.

La situation change du tout au tout lorsque les gouvernements français et anglais signent les préliminaires de paix de Londres, le 1er octobre 1801. L’Angleterre était le dernier ennemi encore en lice, et celui-là même qui gênait les communications navales. Six jours à peine après la signature de ces préliminaires, le premier Consul ébauche les grandes lignes de plusieurs expéditions militaires de grande ampleur, destinées à reprendre possession des colonies perdues et ramener dans le droit chemin celles qui se seraient « égarées » sur la voie de l’autonomie.

La première vague de ces expéditions est dirigée vers, ou contre, les Antilles : Saint-Domingue en premier lieu, mais également la Martinique et la Guadeloupe, et leurs dépendances. Une seconde vague, plus modeste, part ensuite en direction des îles et comptoirs de l’océan Indien et de la côte d’Afrique.

Malgré la futilité de la tentative, tant est grande la supériorité navale anglaise, le gouvernement consulaire, puis impérial, continuera d’envoyer des troupes pour tenir les îles des Antilles jusqu’en 1809-1810, années de leur prise par les Britanniques. Le premier Consul, puis l’Empereur, n’attachera pas tant d’importance aux autres colonies, qui resteront isolées et sans secours pendant presque toute la guerre.

Car les îles d’Amérique sont les joyaux de l’empire colonial français. Ces îles font la richesse des grands ports français, par le commerce des denrées coloniales, comme le sucre, le café, l’indigo, le cacao, …

Notes
20.

Ex-île Bourbon, rebaptisée par décret de la Convention du 19 mars 1793