La Martinique

La Martinique est la plus petite des trois grandes îles françaises des Antilles. Découverte elle aussi par Christophe Colomb, le 15 juin 1502, elle est peuplée là encore de farouches Caraïbes. Ceux-ci se recouvrent le corps de rocou, une teinture rouge les protégeant des moustiques : c’est de cette rencontre qu’est né le terme de « peaux rouges » pour les « indiens » d’Amérique. Craignant les Caraïbes, les Espagnols quittent l’île sans s’en préoccuper. La Martinique est elle aussi cédée à Pierre Belain d’Esnambuc au nom de la France en 1635 : c’est lui qui y développe les cultures du cacao, du sucre ou du café, et qui fait venir d’Afrique de nombreux esclaves. Après sa mort, l’île devient la propriété de la Compagnie des Indes en 1664, puis devient colonie du royaume en 1674, et colonie de la couronne en 1783. Convoitée par les Anglais, elle est occupée par ceux-ci dès 1794, et le décret d’abolition de l’esclavage n’y est jamais appliqué.

La situation à la Martiniquependant la Révolution est beaucoup plus simple que celle de ses deux sœurs : livrée dès 1793 aux Anglais par les colons royalistes, elle n’est rendue à la France qu’en 1802. Le 28 mai de cette même année, le gouvernement nomme l’amiral Villaret-Joyeuse capitaine général de cette île.

La prise de possession est effectuée le 10 juillet 1802, par le général de brigade Castella, le préfet colonial Bertin & un petit groupe d’officiers, précédant le capitaine général et les quelques troupes qui ont été désignées pour y tenir garnison. Les forces d’occupation britanniques leur font très bon accueil, mais leur rendent des forts dépourvus de leur artillerie et sans munition. Villaret-Joyeuse arrive finalement le 3 septembre 1802 avec trois bataillons de ligne, qui avec les gardes nationales forment l’armée de l’île sous le commandement du général De Vrigny.

L’esclavage n’ayant jamais été aboli à la Martinique, il fut ré-instauré sans difficulté, et l’île ne connue pas les troubles de Saint-Domingue & la Guadeloupe. Néanmoins, la reprise de la guerre avec l’Angleterre en 1803 entraîne la capitulation rapide de Sainte-Lucie & Tobago (juin 1803), dépendances de la Martinique. Cette dernière est en état de siège à partir de juillet, mais elle reçoit plusieurs renforts de France dans le courant de l’été, augmentant sa garnison de plus de sept cents hommes, qui compensent toutefois à peine les pertes dues à la fièvre. Le général De Vrigny en fut lui-même victime, et fut remplacé temporairement par le général Castella, puis par Houdetot.

Du 13 au 28 mai 1805, Fort-de-France reçoit la visite de l’escadre de Missiessy, qui y débarque troupes (deux cent vingt-six Piémontais de la Légion du Midi) et munitions, avant d’assister Villaret-Joyeuse dans une expédition contre le rocher du Diamant. Ce piton rocheux sortant de la mer à quelques encablures de la côte martiniquaise avait été capturé par la Royal Navy, qui y avait hissé des canons lourds qui, tels plus tard ceux de Navarrone, bombardaient tout navire approchant l’île. Les Britanniques le croyaient inexpugnable, allant jusqu’à considérer le rocher comme un navire à part entière de leur flotte (« Her Majesty Ship Diamond Rock »). Il est néanmoins repris par l’action combinée de la flotte de Missiessy et des troupes de la Martinique.

La Martinique reçoit encore quelques renforts en 1806, particulièrement en officiers du génie, mais se trouve dès lors dans un isolement de plus en plus prononcé …

Les Anglais débarquent finalement douze mille hommes dans l’île le 30 janvier 1809. Villaret-Joyeuse n’en a que six mille à leur opposer, pour plus de la moitié de gardes nationaux dont la fidélité est douteuse. En effet, lorsque les Britanniques annoncent qu’ils confisqueront les biens de tous les colons prit les armes à la main, ces derniers désertent en masse … Le 2 février, Villaret n’a déjà plus que mille cinq cents hommes, presque sans combat ! Il se retranche alors dans fort Desaix, et repousse le 19 février un premier assaut malgré un bombardement préliminaire particulièrement violent. Mais le 24 février, après vingt-deux jours de siège, ayant la moitié de sa garnison hors de combat et presque tous ses canons démontés par l’artillerie ennemie, le capitaine général Villaret-Joyeuse capitule avec les honneurs de la guerre. La prise de cette île était le dernier pas des Anglais avant leur objectif final : la Guadeloupe …

Figure 6 : Attaque du fort Desaix par les Britanniques (19 février 1809)

La Martinique a une superficie de 1080 km² baignée à l’ouest par la mer des Antilles et à l’est par l’océan Atlantique. Les côtes s’élèvent graduellement depuis le littoral vers les deux points culminants de l’île : la fameuse Montagne Pelée au nord-est, la montagne du Vauclin au sud. Une seule plaine, celle du Lamentin, occupe le centre de l’île. Celle-ci est densément couverte de forêt tropicale et de cours d’eau, d’où une végétation très variée qui lui a valu son ancien nom caraïbe de Madinina, l’ « île aux fleurs ». Sa capitale est Fort-de-France.

Au total, ces trois expéditions coloniales vont mobiliser un peu plus de soixante-dix mille hommes (militaires essentiellement, mais également quelques employés civils de l’armée et du gouvernement) : Saint-Domingue accaparera près de soixante mille d’entre eux, les dix mille restant étant envoyés vers la Guadeloupe et la Martinique.

Comment ces hommes se sont-ils retrouvés dans les îles d’Amérique : désignation ou volontariat ? Le gouvernement a-t-il sciemment choisit les officiers et les unités qui allaient disparaître dans le mirage colonial napoléonien ? Ces expéditions n’avaient-elles pas un but politique, compensatoire ou discriminatoire ?

On lit souvent que le premier Consul Bonaparte a envoyé périr l’armée du Rhin à Saint-Domingue, afin de priver Moreau de ses appuis militaires. Que de même il s’est débarrassé de tous les officiers qui pouvaient le gêner en les envoyant mourir dans les îles insalubres d’Amérique. L’étude minutieuse du corps des officiers de ces expéditions et de la composition des troupes en faisant parties permet de faire le jour parmi les nombreuses légendes et propagandes entourant encore cette expédition.