2.4 - Les promotions

Tous ne voient pas à si long terme : certains ne viennent à Saint-Domingue que pour prendre du galon, ce qui devient extrêmement difficile en Europe à l’heure de la paix continentale et de la réduction des effectifs actifs.

Le maréchalat n’existant pas avant 1804, époque où l’engouement pour les colonies a bien baissé, pour ne pas dire complètement passé de mode, aucun général de division issu des armées expéditionnaires n’atteint cette distinction enviée.

Sur les trente-trois généraux de brigade, européens ou de couleur, quatre 247 (12,1%) sont promus au grade supérieur de général.

Dans les mêmes conditions, onze 248 adjudants-commandants sur trente-neuf (28,2%) gagnent l’épaulette de général de brigade.

Sur soixante-trois chefs de brigade, cinq 249 passent adjudants-commandants, sept 250 directement généraux de brigade. Soit 19% de promus à un grade ou un autre …

Sur cent cinquante-sept commandants (chefs de bataillon et d’escadron), trente-deux 251 sont promus chefs de brigade, alors que huit 252 passent directement adjudants-commandants. Au total donc, 25,4% de commandants promus.

Donner la liste exhaustive des capitaines de l’armée est une tâche impossible, mais il est certains que la promotion était extrêmement rapide pour ceux qui survivaient. Peyre-Ferry raconte comment presque tous les capitaines de son bataillon en vinrent à commander un jour ou l’autre celui-ci, avant que la mort ne les force à céder à leur tour la place à un successeur moribond. Ainsi, il n’est pas rare de voir de jeunes capitaines promus plusieurs fois de suite, comme Cachedenier qui passe chef de brigade.

Les promotions sont donc très rapides jusqu’au grade d’adjudant-commandant, puisque dès lors, presque un quart des officiers de chaque grade est promu au grade supérieur, et parfois plus encore. Les proches des capitaines généraux et des officiers divisionnaires sont les premiers à bénéficier de ces honneurs ; Leclerc promeut ainsi son frère (Nicolas) et son oncle (Musquinet de Beaupré), le frère (Jérôme) et le cousin (Ornano) du premier Consul, Rochambeau son fils (Philippe), … Le cas le plus impressionnant de promotion éclair à Saint-Domingue est celui du lieutenant Cordier, de la 71e demi-brigade de ligne : visiblement ancien chef d’escadrons d’artillerie légère dégradé, Leclerc le replace directement dans son ancien grade puis l’élève à la fonction d’adjudant-commandant. Le tout en moins de six mois. Le premier Consul ne tolérera toutefois pas ce saute-mouton hiérarchique : à Berthier qui lui demande « s'il approuve la réintégration, faite par le général Leclerc, du citoyen Cordier dans le grade de chef d’escadrons d'artillerie. Cet officier n'était que lieutenant dans la 71e de ligne », il répond « Cela n'est pas juste. Refusé » 253 .

A l’inverse, sur les trente-cinq officiers de couleur (Damingue compris) du grade de commandant à celui de général de brigade, un seul est promu : le chef d’escadrons Jolicoeur, qui passe chef de brigade de gendarmerie. Soit 2,9%, une poussière par rapport au total des officiers de leurs grades, preuve de la méfiance et de l’état d’esprit raciste des leaders des armées expéditionnaires, déjà tout occupés à préparer le rétablissement de l’esclavage. Pourtant, des officiers comme Labelinais ou Faustin Répussard, d’une grande droiture, efficaces et vantés par tous, eussent plus sûrement mérités une promotion qu’un Desgrieux ou un C. Boyé …

Notes
247.

Brunet, Clauzel, Ferrand & Salme à Saint-Domingue. Ce dernier ne fut toutefois pas reconnu dans ce grade à son retour en France. Quant à Ferrand, il était déjà mort lorsque sa promotion lui parvint …

248.

(Pamphile) de Lacroix, (Joseph) d’Arbois de Jubainville, Lavalette du Verdier, de Thouvenot, Dampierre, (Jacques) Boyé, (Pierre) Devaux, Desplanques, Claparède à Saint-Domingue ; Ménard à la Guadeloupe ; Castella à la Martinique.

249.

Maillard, Boscus, Sabès, (Joseph) Bernard & Dembowski à Saint-Domingue. Je ne compte pas d’Hénin, qui est par la suite promu une seconde fois, au grade de général de brigade.

250.

Guériot de Saint-Martin, Guyonneau de Pambour, Vonderweidt, Drouin, Bon & (Guillaume) Rey à Saint-Domingue ; (Jean-Marie) Villaret-Joyeuse à la Martinique. La promotion du chef de brigade Drouin semble n’avoir pas été reconnue par le gouvernement.

251.

Aubry de la Boucharderie, Moulu, Lux, Dubreton, (D.) Baron, Cambrelin, Bachelu, Bourke, Abbé, Naverres, Desgrieux, Parnageon, (C.) Boyer, Mathieu, (Pierre) Aussenac, (Gaëtan) Dalvimart, Julliac de Manelle, Pesquidons, Félix, Miquet, Burres, (Louis), Bruny, Dalton, Bruguières, Jaumes, Jolicoeur, Duquesne & Roos à Saint-Domingue ; Cambriels & Arnauld à la Guadeloupe ; Madier de la Martine & Montfort à la Martinique. Aubry de la Boucharderie, Boyer & Dalvimart ne seront pas reconnus dans leur nouveau grade par le gouvernement. Je ne compte pas Montfalcon et Nairaud (Saint-Domingue), ni Miani (Martinique) qui furent par la suite promu une seconde fois, à la fonction d’adjudant-commandant.

252.

Grandsaignes, Lefebvre-Desvaux, Montfalcon, Nairaud, Musquinet de Beaupré, (Hilaire) Reynaud, d’Hénin de Cuvilliers à Saint-Domingue ; Miani à la Martinique.

253.

Décision du premier Consul, 30 juillet 1802, Corr. de Napoléon n°6217