4.4.1 - 1809 : la campagne d’Allemagne et l’armée d’Italie

La campagne d’Allemagne de 1809 va être véritablement la première occasion pour les anciens « coloniaux » de servir de nouveau sous les yeux du maître. Ceci pour deux raisons : la première, c’est qu’une bonne partie des cadres de la Grande Armée est en Espagne lorsque les nouvelles de l’armement de l’Autriche sont connues. Ne pouvant retirer ses vétérans de la Péninsule si rapidement, Napoléon doit faire avec ce qu’il a sous la main, c'est-à-dire les éléments laissés derrière en Allemagne, et des conscrits qu’il lui faut encadrer ; la seconde, c’est qu’au cours de la campagne, il va faire appel en renfort aux armées d’Italie et de Dalmatie, armées mineures dont ce sera la seule campagne entre 1805 et 1812. Dans les deux cas (garnisons d’Allemagne et armées du Sud, mais hors corps d’armée de Davout), ces troupes sont peuplées de généraux relégués à ces postes secondaires pour diverses raisons, et parmi eux nombre de vétérans des colonies.

Le premier d’entre eux, et le plus malheureux sans doute, est le général de division Boudet. On a vu précédemment la manière dont il avait progressivement été écarté de la Grande Armée malgré un retour quasi-triomphal de Saint-Domingue et de la Guadeloupe. Resté en Allemagne quand l’Empereur et la Grande Armée passent les Pyrénées pour entrer en Espagne fin 1808, il trouve l’occasion de revenir sur le devant de la scène lors de la campagne de 1809 contre l’Autriche. Il s’illustre même en résistant brillamment à Essling les 21-22 mai 1809. Mais la perte malheureuse de son artillerie deux semaines plus tard lors de la bataille de Wagram lui vaudra de tels reproches de la part de l’Empereur qu’il en mourut, de chagrin selon les uns, par suicide selon les autres … Sa division et celle du général Legrand, qui tenaient ensemble la gauche de la ligne française et comptaient environ dix mille hommes en tout, avaient été repoussées par près de quarante-cinq mille. Malgré tout, Boudet seul fut traité de cette manière …

Le général de brigade Claparède est intégré au début de la campagne d’Allemagne de 1809 à la prestigieuse formation d’élite des « grenadiers d’Oudinot », qui n’a plus d’élite que le nom puisque les rangs des vétérans de 1805-1807 ont été submergés de conscrits pour faire de cette division un corps d’armée. Néanmoins, il ne s’agit pas moins d’une affectation prestigieuse, pour l’un de ceux qui rentrera sans doute le plus rapidement en grâce auprès de l’Empereur. Blessé au cours de cette campagne, il reprend du service un an plus tard en Espagne, avant d’être appelé en 1812 à participer à la campagne de Russie à la tête de la fameuse Légion de la Vistule, elle-même rattachée à la Garde impériale !

D’autres, comme Clauzel, Poinsot 494 , Ménard, (Pierre) Boyer, Ramel, David, Huin, Grandsaignes, Lalance, Bachelu, Moulut, Dubreton, … en profitent également pour revenir sur le devant de la scène. Huin y laissera la vie. Quant à Dutruy, engagé et grièvement blessé à Sacile (Italie) en avril 1809, il n’a pas l’occasion de faire jonction avec l’armée d’Allemagne et donc de combattre sous les yeux de l’Empereur : il sera de nouveau affecté à un poste isolé, en Hollande, à son rétablissement en 1811 …

Musquinet de Beaupré, Bourke, Abbé et Dalton gagnent même du galon au cours de cette campagne : encore une fois, les anciens aides de camp de Leclerc restent largement privilégiés par rapport aux officiers ayant moins de relations, particulièrement ceux gravitant autour du maréchal Davout.

Mais avant d’être tout à fait rétabli dans l’opinion de l’Empereur, ces officiers vont devoir de nouveau faire la preuve de leur loyauté. Pour cela, la majorité des officiers cités plus haut reçoit dans l’année qui suit la campagne d’Allemagne son affectation pour le dernier théâtre de guerre impérial : la péninsule ibérique. Seuls Dutruy, victime de son excès de zèle ; David qui prend sa retraite ; Musquinet de Beaupré et Dalton qui restent auprès de Davout ; et Bachelu et Moulut, dont les fonctions d’officiers supérieurs du génie les appellent à des travaux de fortifications sur d’autres théâtres, ne seront jamais affectés en Espagne et Portugal.

Notes
494.

Qui outre le fait déjà fort désavantageux d’être l’un des témoins des désastres coloniaux du Consulat, avait en plus le malheur d’être l’un des acteurs de la capitulation de Baylen …