Comme on vient de le voir, les officiers affectés aux armées expéditionnaires 510 furent choisis avec soin, soit pour leur expérience coloniale ou maritime, soit pour leur proximité avec quelque personnage influent, soit pour quelques-uns avec des considérations politiques sous-jacentes …
En fut-il de même pour les troupes placées sous leur commandement ? Les préliminaires de paix avec l’Angleterre, en octobre 1801, voient la multiplication de mémoires et autres études ayant pour but de démontrer la possibilité d’une remise au pas des colonies les plus émancipées. Néanmoins, si certains anciens colons de Saint-Domingue imaginent pouvoir neutraliser Toussaint avec cinq mille grenadiers, les plus sérieux estiment « qu’il ne faut rien moins qu’ une armée de 30.000 hommes de troupes choisies pour fixer le succès de l’expédition. (…) Tout dépend, on le répète, du choix des troupes et surtout de leur discipline » 511 . Ces conseils furent-ils entendus avec autant d’attention que ceux préconisant de séparer les mulâtres de la cause des noirs pour affaiblir Toussaint, ou d’opérer des débarquements sur plusieurs points ?
Les unités choisies étaient-elles aussi désireuses d’aller chercher gloire, galon et fortune que les officiers supérieurs ? Quel était leur état d’esprit vis à vis de leur affectation outre-mer ? On a longtemps lu, et on lit encore, que Napoléon s’est débarrassé de l’armée du Rhin en l’envoyant à Saint-Domingue. Le fait est-il exact ? La désignation pour le service outre-mer pouvait-elle alors masquer une volonté politique délibérée d’épurer l’armée et des opposants au premier Consul ? La constitution d’unité à but purement colonial aurait-elle également été l’objet de considérations politiques sous-jacentes ?
L’étude de la composition des ordres de bataille des armées expéditionnaires, et plus particulièrement des unités que l’on peut qualifier de « coloniales » (Légion du Cap, Légion de Saint-Domingue, dépôts coloniaux, …) s’avère essentielle pour répondre à ces interrogations …
Voir les ordres de bataille exacts en Annexe 3, p.509
« Projet d’expédition pour Saint-Domingue ou précis des moyens d’y rétablir l’ordre et la tranquillité », mémoire rédigé par le sieur Dubois pour Decrès, 12 octobre 1801, AN CC9A28. Souligné par l’auteur.