2.4 - Les soldats de couleur

La présence de soldats noirs ou mulâtres dans les rangs de l’armée royale française n’était pas chose rare à la Révolution. Les régiments revenus de la guerre d’Amérique en avaient incorporé un grand nombre sur place ou à Saint-Domingue, comme le futur général Martial Besse. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’abolition de l’esclavage avaient vu de nombreux anciens esclaves noirs ou libres de couleur s’engager dans l’armée pour se battre pour la cause de cette liberté que la Révolution leur accordait. Le cas du général Dumas, père de l’auteur du « Comte de Monte-Cristo », reste sans doute le plus connu … Outre les  régiments entiers facilement levés aux colonies elles-mêmes, particulièrement Saint-Domingue et la Guadeloupe, de nombreuses compagnies franches d’hommes de couleur s’étaient formées dans les ports faisant commerce avec les colonies, où se trouvaient d’importantes communautés d’anciens esclaves. Enfin, la campagne d’Egypte et de Syrie avait vu le renforcement des demi-brigades européennes décimées de nombreux esclaves libérés.

Les nombreux bataillons blancs envoyés aux colonies tout au long de la Révolution, comptaient ainsi dans leurs rangs beaucoup de soldats de couleur, pour ceux qui rentraient un jour en France. Le cas du 1e Bataillon de l’armée de la Guadeloupe est emblématique de ces unités blanches métissées aux colonies : elle est créé en 1793 sous le nom de Bataillon des Sans-Culottes, à Espelette dans le pays basque, à partir de huit cents hommes de compagnies franches du Sud-Ouest, cent vingt hommes de ligne et deux cent cinquante artilleurs. Commandé par le futur général Boudet, il est rebaptisé « 1e Bataillon de la première demi-brigade de la Guadeloupe » à son arrivée à la Guadeloupe en 1794. Il prend une part active aux combats contre les Anglais et les royalistes. Dans un état de situation du 16 septembre 1797, on apprend que le 1e Bataillon est alors composé de « 280 blancs, 559 noirs, 16 capres, 225 mulâtres, 34 métis » 903 . De nombreux bataillons de volontaires rentrent ainsi à la Révolution avec la chute de colonies comme la Martinique ou après mutinerie à Saint-Domingue. Dans le cas du 1e Bataillon de l’armée de la Guadeloupe, celui-ci reste en poste outre mer jusqu’à l’arrivée de l’armée expéditionnaire du général Richepance en 1802. C’est de ses rangs qu’Ignace et Delgrès tireront leurs derniers partisans. Après la mort de ce dernier dans l’explosion de la Matouba, le Bataillon est dissout : les quelques blancs sont incorporés dans les troupes venues de France, les autres sont désarmés et organisés en pionniers ou déportés. Il ne restait que douze hommes des huit cents volontaires initiaux des compagnies franches de 1793 !

Notes
903.

Armée des Antilles. Situation des troupes au 30 Fructidor an V, cité in Anduse (Roland), « L’histoire singulière du 1 er Bataillon de l’armée de la Guadeloupe : loyalisme révolutionnaire et révoltes militaires », in Mourir pour les Antilles, Op. Cit., p.60