Chapitre 2. La relation transport/économie ou le défi du couplage : une interprétation économétrique

La revue de la littérature consacrée aux fonctions de prévision à long terme de la demande de transport de marchandises met en exergue une relation significative entre la demande de transport de marchandises et l’activité économique ou industrielle. Depuis une dizaine d’années, une sensibilité croissante pour les questions environnementales vient interroger la signification de cette relation.

Des éléments objectifs expliquent la sensibilité accrue de l’opinion publique pour les questions environnementales. Parmi elles, se trouve la question du réchauffement climatique global causé par l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Le secteur des transports joue en effet un rôle prépondérant dans cette problématique puisque ce secteur est devenu, dans la plupart des pays occidentaux, le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre.

Figure 4. Les émissions de CO2 par secteur en France

Source : CITEPA (2005)

La Figure 4 illustre cette proposition en montrant qu’en 2003, le secteur des transports génère 28% des émissions de CO2 en France contre 22% pour le secteur résidentiel et tertiaire ou 21% pour l’industrie. Cette figure montre également que la part du secteur des transports dans le volume total des émissions de CO2 a augmenté de plus de 500% en France entre 1960 et 2003. Des évolutions similaires se dessinent dans l’ensemble des pays développés (Schäfer, 2005).

De plus, il existe aujourd’hui un consensus croissant autour de la relation entre l’augmentation des concentrations de GES et la hausse des températures moyennes à la surface de la terre. Le troisième rapport sur le changement climatique des experts du Panel intergouvernemental sur le changement climatique (Intergovernmental Panel on Cilmate Change, IPCC) estime que la température moyenne à la surface de la terre a augmenté de 0,6°C au cours du vingtième siècle (IPCC, 2001). Ce rapport prévoit également une augmentation de la température moyenne à la surface de la terre comprise entre deux et six degrés pour le vingt-et-unième siècle (Figure 5). Ce constat scientifique a amené la communauté internationale à définir une stratégie globale pour réduire les émissions de GES au cœur de laquelle figure le protocole de Kyoto.

Figure 5. La température moyenne à la surface de la terre entre 1000 et 2000

Source : IPCC (2001)

La sensibilité croissante de l’opinion pour l’environnement explique la diffusion de recherches consacrées aux effets des transports sur l’environnement. Pour étayer l’idée d’une orientation nouvelle de la recherche autour des effets des transports sur l’environnement, il est possible de mentionner la création du quatrième volume de la revue Transportation Research en 1996 consacré aux rapports entre les transports et l’environnement (Transportation Research Part D: Transport and Environment).

La prise de conscience environnementale est également un élément essentiel dans le développement de la recherche consacrée à la demande de transport de marchandises. Elle conduit des chercheurs à s’interroger sur les déterminants de la demande de transport. Ces recherches ont alors montré qu’il existait une relation étroite entre la demande de transport de marchandises et l’activité économique ou industrielle, comme le chapitre qui précède l’a montré.

Des chercheurs ont prolongé cette observation tâchant d’éclairer d’éventuels facteurs permettant de casser cette relation. Le présent chapitre revient sur l’ensemble de ces recherches qui s’articulent autour des concepts de couplage et de découplage.

Dans une première section, ces recherches sont brièvement présentées en distinguant deux approches alternatives. La première approche insiste sur le rapport entre la demande de transport de marchandises et la production économique. Cette approche agrégée utilise des instruments comme l’intensité de transport de marchandises ou les élasticités de la demande de transport pour interroger la persistance de cette relation. La seconde approche propose de décomposer les indicateurs agrégés de couplage afin d’expliquer le couplage par différents facteurs de couplage ou découplage.

Dans une seconde section, un modèle décomposant le couplage en quatre facteurs est proposé. Le sens de ces facteurs est explicité et une estimation empirique du modèle est proposée à partir de données de panel européennes. Cette estimation laisse apparaître des facteurs de couplage et des facteurs de découplage.