II.2. Estimations à partir de la donne d’Eurostat désagrégée

La relation entre la demande de transport de marchandises et la VAI italienne est donc estimée à partir du modèle QFMT à un niveau désagrégé. Il s’agit alors de déterminer si la demande de transport d’un type de marchandises dépend de l’activité industrielle.

Pour la demande de transport de marchandises en transit au passage de Vintimille, l’estimation des relations désagrégées montre qu’il n’existe pas de relation entre l’activité industrielle italienne et la demande désagrégée de transport de transport de marchandises (Tableau 26). Une exception pourrait être le cas de la NST5 (métallurgie et sidérurgie). La valeur explosive des coefficients estimés incite néanmoins à interpréter cette estimation avec prudence. Quelques coefficients sont par ailleurs statistiquement significatifs pour d’autres types de marchandises mais, pour ces catégories de biens, le signe observé n’est pas le signe attendu. Ceci incite donc à ne pas prendre en compte le résultat de ces estimations (e. g. NST0, biens agricoles). La non-significativité des relations désagrégées n’est d’ailleurs pas surprenante compte tenu de la faible taille de l’échantillon (une dizaine d’observations) et de la non-significativité du modèle agrégé lui-même.

Tableau 26. Estimation du modèle QFMT désagrégé : série p

Pour la demande de transport de marchandises d’échange bilatéral entre la France et l’Italie, quatre relations s’avèrent statistiquement significatives (Tableau 27). Il s’agit des catégories NST2 (combustibles et minéraux solides), NST5 (métallurgie et sidérurgie), NST6 (matériaux de construction) et NST9a+b (matériel de transport, machines et articles métalliques). La relation estimée pour la NST9d (autres articles manufacturés) est également près d’être significative. Il est notable d’observer que deux de ces estimations présentent une constante significativement négative (ou presque, pour la catégorie NST9a+b). Ceci signifie qu’il est alors possible de retrouver l’hypothèse d’une élasticité de la demande augmentant avec le taux de croissance industrielle.

Tableau 27. Estimation du modèle QFMT désagrégé : série f

Enfin, pour la demande de transport de transit nord-européen, la relation désagrégée est significative pour les mêmes catégories de marchandises (Tableau 28). Cette relation est également significative pour les catégories NST3 (produits pétroliers) et NST8 (chimie). La significativité des estimations est toutefois généralement plus faible que pour le transport d’échange franco-italien et la valeur des constantes estimées n’est pas significativement différente de zéro. Il n’est donc plus possible d’écarter l’hypothèse d’une élasticité constante.

Tableau 28. Estimation du modèle QFMT désagrégé : série n

Les résultats de ces estimations sont synthétisés dans le Tableau 30. Dans ce tableau, ces estimations sont comparées à celles de Gabella-Latreille (1997) réalisées pour le transport national de marchandises en France.

Tableau 29. Les relations de moyen terme estimées par catégorie de produits
Tableau 29. Les relations de moyen terme estimées par catégorie de produits

Les estimations précédentes s’intéressent à la relation entre le taux de croissance de la demande de transport de marchandises par catégorie de produits et celui de la VAI italienne totale. Une approche alternative consiste à estimer la relation entre le taux de croissance de la demande de transport d’un groupe de marchandises et celui de la VA de cette branche. Autrement dit, il s’agit alors d’estimer la relation entre la demande de transport d’un type de bien et l’activité de la branche correspondante et non plus celle de l’industrie en général.

Le passage d’une variable explicative agrégée (la VAI italienne) à une variable explicative sectorielle (la VAB de la branche) présuppose cependant d’établir une correspondance entre les nomenclatures des statistiques de transport et celles des statistiques macroéconomiques car ces nomenclatures ne se recoupent pas de façon évidente. Le Tableau 30 propose une correspondance entre la nomenclature de transport et celle de la production industrielle. Cette correspondance est inspirée par Gabella-Latreille (1997).

Tableau 30. Une correspondance entre les nomenclatures transport et macroéconomiques

Sur la base de cette correspondance de nouvelles estimations sont réalisées en utilisant comme variable explicative le taux de croissance de la valeur ajoutée brute (VAB) de la branche. La VAB de la branche utilisée pour ces estimations est issue des Comptes nationaux, données annuelles - Ventilations (principales composantes, par branche d'activité, par produit d'investissement, par fonction de consommation) d’Eurostat (2006). La donne est prise en valeur constante (prix de base 1995).

Comme pour les estimations qui précèdent, le nouveau modèle n’est pas significatif pour la demande de transport de marchandises en transit au passage de Vintimille (Tableau 31). Ce modèle n’est ainsi significatif que pour la catégorie NST5 (métallurgie, sidérurgie), comme cela était d’ailleurs le cas pour les estimations utilisant une variable explicative agrégée.

Tableau 31. Estimation du modèle QFMT désagrégé en utilisant la VAB sectorielle comme variable explicative : série p

Pour la demande de transport de marchandises entre la France et l’Italie, la relation entre la demande de transport désagrégée par catégorie de produits et la VAB de la branche correspondante est significative pour seulement quelques catégories de biens (Tableau 32). Pour ces catégories de biens, la relation entre la demande de transport et la VA était déjà significative en prenant comme variable explicative la VAI agrégée. Cette relation ne l’est toutefois plus pour la catégorie NST2 (combustibles et minerais solides). Cela suggère une mauvaise correspondance entre les nomenclatures NACE et NST pour cette catégorie de biens. Enfin, il ressort également de ces estimations que la valeur de la constante est significativement négative pour une catégorie de biens (NST5, métallurgie, sidérurgie). Pour les autres estimations, la valeur de la constante n’étant pas significativement différente de zéro, il n’est pas possible de rejeter l’hypothèse d’une élasticité constante de la demande de transport par rapport à la VAB de la branche.

Tableau 32. Estimation du modèle QFMT désagrégé en utilisant la VAB sectorielle comme variable explicative : série f

Pour la demande de transport de marchandises de transit nord-européen (Tableau 33), les mêmes remarques peuvent être formulées. Les relations sont significatives pour les mêmes catégories NST. La valeur du coefficient associé à la constante n’est pas significativement différente de zéro. De plus, le passage d’une variable explicative agrégée (la VAI italienne totale) à une variable explicative sectorielle (la VAB de la branche) n’améliore pas la qualité globale des estimations.

Tableau 33. Estimation du modèle QFMT désagrégé en utilisant la VAB sectorielle comme variable explicative : série n

Les résultats des estimations du modèle de moyen terme à partir de la donne Eurostat désagrégée et en utilisant la VAB de la branche comme variable explicative sont synthétisés dans le Tableau 34. Ces estimations sont par ailleurs comparées aux résultats des estimations équivalentes réalisées par Gabella-Latreille (1997) pour le transport national en France.

Tableau 34. Les relations de moyen terme estimées par catégorie de produits, en utilisant une variable explicative désagrégée

Ce tableau permet de formuler les conclusions suivantes. D’abord, le modèle de moyen terme désagrégé utilisant une variable explicative désagrégée n’est pas plus significatif pour la demande de transit à Vintimille que le modèle utilisant une variable explicative agrégée. Pour les deux autres types de demande de transport transalpin, ensuite, les modèles désagrégés ne sont significatifs que pour quelques catégories de produits. Ces catégories sont des catégories pour lesquelles la relation quin-quin est également significative pour le transport national comme le montre la comparaison avec les résultats des travaux de Céline Gabella-Latreille.

D’autre part, l’utilisation d’une variable explicative désagrégée (la VAB de la branche) plutôt qu’une variable explicative agrégée (la VAI italienne) n’améliore par la significativité de la relation désagrégée.

Enfin, les élasticités estimées en utilisant une variable explicative désagrégée sont significativement inférieures aux élasticités estimées en utilisant une variable explicative agrégée. Ceci signifie que les élasticités de la demande par rapport à la VAB de la branche sont inférieures aux élasticités de la demande par rapport à la VAI agrégée.

Au total, l’estimation de la relation linéaire de moyen terme en taux de croissance croissance en utilisant la donne Eurostat désagrégée offre des éléments complémentaires à l’estimation de cette relation à partir d’une donne agrégée. D’abord, ces estimations montrent qu’il existe une relation statistique entre la demande de transport de marchandises et l’activité industrielle italienne pour seulement quelques catégories de marchandises. Celles-ci correspondent aux catégories NST2 (combustibles et minéraux solides), NST3 (produits pétroliers), NST5 (sidérurgie, métallurgie), NST6 (matériaux de construction), NST8 (chimie), NST9a+b (matériel agricole et de transport, machines et articles métalliques) et NST9d (autres articles manufacturés). En revanche, cette relation n’est pas significative pour les catégories NST0 (produits agricoles), NST1 (agro-alimentaire), NST4 (Minerais et déchets pour la métallurgie), NST7 (engrais) ou NST9c (industrie du verre). Ces secteurs correspondent à des activités en déclin ou liées au secteur agricole. Ensuite, par rapport aux estimations Eurostat ou Alpinfo agrégées, les estimations désagrégées révèlent une relation linéaire entre la demande de transport et la production industrielle où la constante est parfois significativement négative. Ceci signifie qu’il est alors possible de retrouver une élasticité de la demande de transport par rapport à l’activité industrielle qui décroît avec le taux de croissance de la VAI italienne. La valeur de la constante est toutefois, le plus souvent, non significativement différente de zéro. Cela signifie qu’en général, il n’est pas possible de rejeter l’hypothèse d’une élasticité constante.