III.2. Le test des sous-estimations récursives

La partie qui précède montre que l’hypothèse d’instabilité des relations à correction d’erreur ne peut être rejetée sans ambiguïté pour les différents types de demande de transport de marchandises étudiés. Cette question mérite alors d’être prolongée par le test des sous-estimations récursives, un test de stabilité offrant une alternative au test CUSUM. Le test des sous-estimations récursives consiste à estimer le modèle sur une série de sous-échantillons successifs, et de comparer la valeur estimée des paramètres lors des estimations successives.

Dans le présent cas de figure, le test des sous-échantillons récursifs est réalisé en retenant un sous-échantillon de dix observations (dix années). Ce test consiste alors à estimer la relation de long terme, puis de court terme, pour le sous-échantillon échantillon [1984-1994], puis d’estimer ces modèles pour le sous-échantillon [1985-1995] et ainsi de suite jusqu’au sous-échantillon [1995-2005] pour la série f t et jusqu’au sous-échantillon [1991-2001] pour les séries p t et n t .

Ces estimations permettent alors de comparer la valeur estimée des élasticités lors des différentes sous-estimations successives. La Figure 26 reproduit les valeurs des élasticités récursives ainsi estimées et leur intervalle de confiance (plus ou moins deux fois l’erreur-type).

Figure 26. Test des estimations récursives : La valeur des élasticités de court terme. Pour le transit littoral (p), l’échange franco-italien (f) et le transit nord-européen (n)

Ce test tend en premier lieu à corroborer l’idée d’une décroissance de la valeur de l’élasticité de court terme de la demande de transport de transit littoral (p) par rapport à l’activité industrielle italienne. En ce sens, le test des estimations récursives rejoint les conclusions du test CUSUM-OLS. La relation entre la demande de transit littoral et l’activité industrielle italienne se caractérise alors par une instabilité dans le temps.

La décroissance progressive de l’élasticité de la demande de transit par rapport à la croissance industrielle italienne s’interprète en termes de maturation des échanges bilatéraux entre l’Italie et la péninsule ibérique. Cette interprétation rejoint alors l’hypothèse d’une évolution des élasticités de transport bilatéral selon une loi historique en cloche (Château et Morcheoine (2001) et Figure 22). Les élasticités de court terme estimées pour le transit littoral passent ainsi de 3,75 pour le sous-échantillon [1984-1994] à 2,25 pour le sous-échantillon [1991-2001]. Cette évolution caractérise un processus de normalisation progressive de la valeur des élasticités de la demande de transport de transit à Vintimille par rapport à l’activité industrielle italienne.

Il est en revanche possible d’observer une relative stabilité de la valeur des élasticités récursives pour la demande de transport d’échange bilatéral franco-italien (f) ou de transit nord-européen (n). Pour la première (f), une certaine instabilité semble toutefois se dessiner autour de la sous-estimation #5, correspondant à la sous-période [1988-1998]. Cette perturbation s’explique peut être par la présence d’une période de recul significatif de l’activité industrielle italienne au cœur de cette période (année 1993). En dehors de cet incident, les sous-estimations récursives révèlent une relative stabilité des élasticités récursives estimées.

Cette observation amène alors à penser que ces types de demande de transport transalpin correspondent à des relations bilatérales matures. L’idée d’une stabilité des élasticités de la demande de transport dans le temps s’oppose non seulement à la conjecture de Château et Morcheoine mais aussi à la plupart des modèles alpins de prévisions qui envisagent souvent une décroissance tendancielle de l’élasticité de la demande de transport de marchandises par rapport à l’activité économique. L’hypothèse d’une décroissance tendancielle des élasticités est en effet retenue par les modèles de prévision de SNCF-FS (1993), de Cadet International (2000) ou de LTF (2003). Cette section montre alors que, pour le segment central de la demande de transport à travers les Alpes, il n’existe aucune évidence empirique de décroissance tendancielle des élasticités de la demande de transport de marchandises par rapport à l’activité industrielle, contrairement à ce que l’on observe pour le transit au passage de Vintimille. En d’autres termes, l’analyse de la stabilité des relations économétriques estimées corrobore l’idée d’une situation de couplage pour la demande de transport de marchandises entre l’Italie d’une part et la France ou les pays nord-européens d’autre part.