Chapitre 5. La combinaison de prévisions : une méthode pour réduire l’incertitude des prévisions

Les fonctions de demande de transport de marchandises ont récemment connu de nouveaux développements en partie liés à l’application de nouveaux développements issus de l’économétrie des séries temporelles. Il est alors étonnant d’observer que, malgré l’application de techniques économétriques plus rigoureuses, l’incertitude des modèles de prévisions demeure un sujet d’investigation majeur en économie des transports (Flyvjberg et al., 2005 ; Flyvbjerg, 2005 ; Hugosson, 2005 ; RAND Europe, 2005 ; Skarmis et Flyvjberg, 1997).

Cette apparente contradiction entre un intérêt croissant pour l’incertitude des modèles de prévision et l’application de nouvelles techniques économétriques à la demande de transport de marchandises s’explique par l’intervention croissante de capitaux privés dans la réalisation d’infrastructures de transport. L’intervention croissante des capitaux privés dans les infrastructures de transport produit un nouveau contexte institutionnel sur lequel il convient brièvement de revenir.

L’intervention croissante de capitaux privés en économie des transports s’oppose en effet à un résultat théorique de la science économique. Arrow et Lind (1970) expliquent qu’en présence d’incertitude, il est optimal de réaliser un investissement en utilisant des fonds publics de façon à partager le risque entre le plus grand nombre d’individus. Bonnafous (2005) montre que cette conclusion n’est plus valable en introduisant un différentiel de productivité entre le secteur privé et le secteur public. En postulant un écart de productivité entre le secteur privé et le secteur public (en faveur du secteur privé), Bonnafous montre alors qu’il est (paradoxalement) optimal de réaliser les investissements rentables en utilisant des fonds publics et les investissements non rentables en utilisant des fonds privés. Cette conclusion, désormais entendue comme le paradoxe de Bonnafous, contribue à expliquer l’intervention croissante des capitaux privés dans la réalisation d’infrastructures de transport, les infrastructures de transport les plus rentables étant en effet réalisées depuis longue date. Ce nouveau contexte institutionnel explique l’intérêt porté pour le risque et les erreurs de prévision en dépit des progrès permis par l’application de nouvelles techniques économétriques.

Le présent chapitre propose de mettre à profit les récents développements des modèles de prévision de la demande de transport de marchandises pour réduire l’incertitude des prévisions. La principale proposition de cette section est de montrer que la combinaison de modèles permet de réduire l’incertitude des prévisions. La combinaison de prévisions est une méthode originellement développée en économie des transports (Bates et Granger, 1969). A notre connaissance, cette méthode n’a étrangement pas donné lieu à d’autres applications en économie des transports malgré un succès croissant dans d’autres sous disciplines de la science économique comme la macroéconomie ou la finance.

La Section 1 montre la difficulté qui existe à considérer un modèle meilleur que les autres. Dans un premier temps, les avantages et les limites des modèles alternatifs sont rappelés. Ensuite, l’exactitude (accuracy) des prévisions des différents modèles est étudiée en comparant les taux de croissance de la demande de transport observés aux taux de croissance de la demande prévus en utilisant les élasticités de la demande de transport estimées par chacun des modèles économétriques.

La Section 2 propose de résoudre le dilemme du meilleur modèle en introduisant une méthode de réduction des incertitudes quasiment inédite en économie des transports : la combinaison des prévisions. Deux simulations soulignent la pertinence de cette méthode.

Enfin, la Section 3 estime la demande globale de transport de marchandises à horizon 2030 en formulant différentes hypothèses quant à l’évolution de la conjoncture industrielle italienne. Les volumes de transport prévus sont estimés en combinant les prévisions du modèle à correction d’erreur et celles du modèle en taux de croissance linéaire.