I. Le transport routier de marchandises : vers l’engorgement ?

Une première interrogation, liée à l’évolution de la demande de transport routier à travers le Nord des Alpes françaises, porte sur la capacité des tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc à accueillir la demande de transport de marchandises à horizon 2015 ou 2030. En suivant de Tilière (2000), les capacités maximales des tunnels du Mont-Blanc et de Fréjus sont de respectivement dix-sept et de dix-huit millions de tonnes. Selon cette estimation, la capacité maximale des tunnels français est donc de trente-cinq millions de tonnes, contre une demande de transport d’environ vingt millions de tonnes en 2005. Il existe encore d’importantes capacités dans les tunnels routiers français. Pour autant, il n’est pas possible d’écarter a priori l’hypothèse d’un engorgement de ces tunnels à horizon 2030. La présente partie propose d’utiliser les résultats des sous-modèles d’affectation et de répartition modale de LTF en considérant les volumes globaux de transport de marchandises prévus dans le Chapitre 5 pour déterminer si, compte tenu de ces estimations, la crainte d’un engorgement des infrastructures de transport routier est justifiée ou non.

La figure qui suit reproduit l’évolution de la demande de transport dans les tunnels français en considérant trois scénarios alternatifs de croissance italienne et deux évolutions alternatives du partage modale (scénarios ten et P0). L’affectation du transport routier considère par ailleurs une situation sans surpéage dans les tunnels français (scénario P0). Il ressort de ces estimations que le volume de transport routier dans le Nord des Alpes françaises dépasse largement la capacité des tunnels routiers français à horizon 2030.

Figure 37. Evolution de la demande de transport dans les tunnels français : vers l’engorgement (en considérant trois scénarios économiques italiens)

En considérant une évolution tendancielle du partage modal, les capacités des tunnels français sont dépassées entre 2015 et 2020 selon le scénario de croissance économique italienne envisagé (Figure 37a). Le dépassement des capacités des tunnels routiers intervient entre 2018 et 2025 si une inflexion du partage modal en faveur du transport ferroviaire est considérée (Figure 37b).

Il existe donc, selon ces prévisions, un risque important de saturation des tunnels routiers à travers les Alpes françaises. L’engorgement prévu des tunnels routiers français plaide en faveur de la mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire (AF) à grande échelle à horizon 2015. Les interrogations concernant la capacité des tunnels routiers français glissent alors vers une autre interrogation : la saturation des infrastructures de transport routier de marchandises à horizon 2015 pourrait en effet être retardée voire évitée grâce à la mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire à grande échelle.

La question consiste alors à se demander, en suivant ces scénarios, quels volumes le service d’autoroute ferroviaire parvient-il à capter. Le modèle LTF affecte une partie des flux de transport routier à l’autoroute ferroviaire en fonctions des caractéristiques de l’autoroute ferroviaire. Selon ce modèle, l’autoroute ferroviaire attire un volume de transport compris entre trois et quatre millions de tonnes de transport de marchandises en 2015 et en 2030 (Figure 38).

Figure 38. Evolution des volumes de l’autoroute ferroviaire en France. En considérant trois scénarios économiques italiens

En retirant les volumes de transport captés par l’autoroute ferroviaire, les volumes de transport de marchandises traversant les tunnels routiers du Fréjus ou du Mont-Blanc à horizon 2015 ne dépassent pas la capacité maximale de ces tunnels. Dans le cas d’une évolution tendancielle du partage modal (Figure 39a), les volumes de transport prévus dépassent la capacité maximale des tunnels français autour de l’année 2020, la date exacte variant selon le scénario de croissance économique italienne envisagé. En considérant une inflexion de la répartition modale en faveur du transport ferroviaire (Figure 39b), la capacité maximale des tunnels routiers français est dépassée un peu plus tard, autour de l’année 2025. La mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire à grande échelle repousse donc de quelques années la saturation des tunnels routiers français qui ne devrait avoir lieu, selon ces estimations, avant 2015.

Figure 39. Evolution des volumes de transport routier, hors AF (en considérant trois scénarios économiques italiens)

Il ressort alors de cette sous-section qu’il existe un risque d’engorgement des tunnels alpins français autour des années 2015 ou 2020, la date variant selon le scénario considéré. L’engorgement des tunnels routiers français pourrait cependant être retardé de quelques années avec la mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire à grande échelle. En l’absence d’une nouvelle infrastructure de transport ferroviaire à travers les Alpes françaises, les volumes de transport de marchandises attirés par l’autoroute ferroviaires sont limités à trois ou quatre millions de tonnes. Cela explique pourquoi l’autoroute ferroviaire ne retarde que de quelques années l’engorgement des tunnels français qui devrait avoir lieu, selon ces prévisions, après 2015.

Cette première sous-section répond aux interrogations concernant l’engorgement des tunnels routiers transalpins. L’hypothèse d’un engorgement des tunnels routiers à horizon 2015 ne peut être écartée par le modèle de prévision. L’engorgement des tunnels routiers pourrait toutefois être retardé par la mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire à grande échelle. Cette remarque provoque alors un glissement de cette interrogation en venant alors questionner non plus la capacité des infrastructures de transport routier à accueillir la demande de transport mais celle des infrastructures de transport ferroviaires. Cette question est développée dans ce qui suit.