II. La demande de transport ferroviaire : des capacités inexploitées

Les interrogations concernant la capacité des tunnels routiers français sont en partie levées en reportant cette interrogation sur les capacités des infrastructures de transport ferroviaire. Il existe en France un seul tunnel ferroviaire à travers les Alpes du Nord. Il s’agit du tunnel de Modane (ou tunnel du Mont-Cenis). La capacité maximale de cet ouvrage est, en suivant de Tilière (2000), d’environ onze millions de tonnes. Selon le rapport d’audit sur les grandes infrastructures de transport (CGPC et IGF, 2003), la réalisation d’un ensemble d’investissements prévus dans le cadre du XIIème plan 21 pourrait permettre d’augmenter la capacité de la ligne historique. La capacité maximale du tunnel de Modane pourrait alors approcher vingt millions de tonnes 22 (Figure 40).

Figure 40. Capacité des lignes ferroviaires à travers les Alpes françaises

Source : CGPC et IGF (2002)

Dans ce qui suit, la capacité maximale du tunnel ferroviaire historique est considérée comme étant de vingt millions de tonnes. La demande de transport ferroviaire à travers ce tunnel étant d’environ six millions de tonnes en 2005, il existe donc d’importantes capacités pour le transport ferroviaire dans le Nord des Alpes françaises. Pour autant, il n’est pas possible de rejeter a priori l’hypothèse d’une saturation de cet ouvrage à horizon 2015 ou 2030, en particulier parce que cet ouvrage doit accueillir d’importants volumes de transport dans le cadre de la mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire à grande échelle.

En prenant comme situation de référence un scénario ne comprenant pas la réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport ferroviaire (scénario Ref2), la demande de transport ferroviaire au tunnel de Modane augmente quelque soit le scénario de croissance économique italienne ou le scénario d’évolution de la répartition modale considéré (Figure 41). Ces prévisions marquent une rupture par rapport à la stabilité de la demande de transport ferroviaire observée ces deux dernières décennies. Il ressort également de ces prévisions que, quelque soit le scénario de croissance économique ou d’évolution du partage modal considéré, les volumes de transport prévus à horizon 2030 restent inférieurs à la capacité maximale du tunnel (vingt millions de tonnes).

Figure 41. Evolution des volumes de transport ferroviaire (hors AF) à Modane (en considérant trois scénarios économiques italiens)

Il existe donc des capacités inexploitées dans les tunnels ferroviaires alpins qui pourraient servir à la mise en place d’un service d’autoroute ferroviaire. En ajoutant les volumes prévus de transport correspondant à l’autoroute ferroviaire à ces volumes de transport, le modèle de prévision montre que les volumes de transport à travers le tunnel ferroviaire de Modane sont inférieurs à la capacité maximale de cet ouvrage à horizon 2015 (Figure 42), quelque soit le scénario considéré. Il n’y a donc pas, selon ces estimations, de saturation du tunnel ferroviaire historique de Modane à horizon 2015. Il ressort d’autre part, qu’en suivant ces prévisions, il est également relativement peu probable de voir la capacité maximale du tunnel dépassée à horizon 2030.

Figure 42. Evolution des volumes de transport ferroviaire (y. c. AF) à Modane (en considérant trois scénarios économiques italiens)

Cette sous-section répond alors à l’interrogation concernant la capacité des tunnels ferroviaires français à accueillir les volumes de transport prévus à horizon 2015 ou 2030. Les prévisions montrent qu’il est peu probable d’assister à une saturation des tunnels ferroviaires français avant 2030.

L’idée d’une saturation des infrastructures de transport ferroviaire est d’autant moins probable que la réalisation de nouvelles infrastructures de transport ferroviaire à travers les Alpes augmente significativement la capacité du réseau ferroviaire à travers les Alpes. Un programme massif d’investissements est en cours de réalisation en Suisse (programme Alptransit). Ce programme comprend la réalisation de deux infrastructures majeures de transport ferroviaire au Lötschberg (où le tunnel de base de 35 km doit ouvrir en 2007) et au Gotthard (où le tunnel de base de 57 km devrait ouvrir en 2017). Ces investissements permettent une augmentation de vingt-cinq à trente pour-cent de la vitesse commerciale des trains à travers la Suisse et une augmentation massive de la capacité du système ferroviaire en Suisse. Il s’avère alors difficile de prévoir quels effets aura l’ouverture des infrastructures sur l’affectation du transport ferroviaire à travers les Alpes. Les affectations du transport ferroviaire de marchandises à travers les Alpes prévues par la modélisation LTF sont donc fragiles. Elles ne rendent pas compte d’un possible effet d’attraction des traversées suisses provoqué par la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires au Gotthard et au Lötschberg. Ces observations soutiennent alors l’idée selon laquelle il est peu probable d’assister à une saturation des infrastructures ferroviaires françaises d’ici 2030.

Notes
21.

Les principaux investissements considérés sont la mise au garabit B1 du tunnel du Mont-Cenis et la réalisation d’un accès Sud par Grenoble.

22.

Notons ici que la nouvelle liaison transalpine pourrait porter la capacité maximale des tunnels ferroviaires français à quarante millions de tonnes (CGPC et IGF, 2002 ; de Tilière, 2000).