Conclusion du chapitre

Ce chapitre utilise les prévisions globales de transport de marchandises issues de la combinaison des modèles E et Q pour prévoir la demande de transport de marchandises à travers les Alpes grâce au modèle de répartition et d’affectation de LTF. Cet exercice permet de corriger les prévisions de LTF en considérant des volumes de transport à horizon 2015 et 2030 plus réalistes que les prévisions LTF. Les volumes de transport prévus par le présent modèle de prévision sont inférieurs d’envrion vingt pour-cent aux volumes de transport prévus par le modèle LTF (Figure 48). Ce phénomène s’explique par des volumes globaux de transport de marchandises plus faibles prévus par le modèle E+Q.

Figure 48. La demande de transport à travers le Nord des Alpes françaises (situation de référence et inflexion du partage modal)

Si les volumes de transport de marchandises estimés en suivant les prévisions E+Q sont plus faibles que les prévisions LTF, il s’avère toutefois difficile d’écarter l’hypothèse d’une saturation des infrastructures de transport routier à travers les Alpes du Nord. Ces prévisions postulent donc une augmentation de la demande de transport de marchandises à travers le Nord des Alpes françaises. Cette évolution représente une rupture par rapport aux évolutions observées ces dix dernières années ou la fin des modifications des affectations du transit nord-européen observées depuis 1994 (Annexe 5). La stabilité de la demande de transport de marchandises est d’ailleurs un facteur d’incertitude supplémentaire pour les prévisions.

La principale conclusion de ce chapitre concerne donc le risque de voir la demande de transport à travers les tunnels routier français dépasser la capacité de ces derniers autour de 2015. En revanche, les prévisions écartent l’hypothèse d’une saturation des infrastructures de transport ferroviaire avant 2025. Il peut alors apparaître paradoxal d’avancer la saturation des infrastructures de transport routier de marchandises pour justifier la réalisation d’une nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin.

Ce paradoxe s’explique par l’introduction du service d’autoroute ferroviaire. Il est en effet suggéré d’utiliser les capacités inexploitées des infrastructures de transport ferroviaire en mettant en place un service d’autoroute ferroviaire à grande échelle. En considérant qu’un service de ce type puisse attirer une part importante de flux de transport routier de marchandises, l’utilisation des infrastructures de transport ferroviaire peut retarder de quelques années la saturation des tunnels français à travers les Alpes.

Il apparaît alors que la demande totale de transport terrestre à travers les Alpes dépasse la capacité globale des infrastructures existantes autour de l’année 2020. A partir cette date, les capacités des infrastructures de transport ferroviaires sont épuisées. Il est alors nécessaire d’envisager la réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport pour éviter une saturation des infrastructures de transport existantes. La réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport ferroviaire à travers les Alpes françaises autour de 2020 est alors justifiée si le service d’autoroute ferroviaire se révèle être une alternative crédible au transport routier. Ce raisonnement introduit cependant un ensemble d’hypothèses dont certaines méritent d’être soulignées comme autant de facteurs d’incertitude.

Le premier facteur d’incertitude concerne l’affectation des flux de transit nord-européen. Le modèle postule en effet la fin des phénomènes de réaffectation des flux de transit nord-européen observés depuis une dizaine d’années (Annexe 5). En particulier, le modèle suppose que la stabilité observée du transport routier de marchandises à travers la France va s’arrêter. Cette hypothèse suppose que les traversées routières françaises captent la croissance des flux de transport en transit nord-européen, ce qu’elles ne font plus depuis une décennie.

Un second facteur d’incertitude est relatif à l’impact des nouvelles infrastructures de transport ferroviaire à travers la Suisse d’ici 2016. Les effets de ces infrastructures étant a priori difficilement modélisables, les modèles d’affectation et de répartition de LTF ne rendent pas compte de ces effets. L’influence des infrastructures suisses sur l’affectation du transport ferroviaire est peut-être sous-estimée par le modèle de prévision d’où un second facteur d’incertitude.

Enfin, la dernière interrogation est liée à la capacité de l’autoroute ferroviaire à attirer une part significative de la demande de transport routier de marchandises. Il est délicat de modéliser a priori ce phénomène compte tenu de la rareté des expériences de ce type à très grande échelle. Et de rappeler, pour conclure ce chapitre, que ces trois facteurs d’incertitude sont autant de raisons pouvant remettre en question les conclusions du présent chapitre.