Le transit littoral

La demande de transport de marchandises à travers le passage de Vintimille ne correspond pas à un trafic alpin selon l’acception la plus stricte de l’arc alpin. Ce type de flux de transport présente toutefois des caractéristiques intéressantes au premier rang desquelles figure un taux de croissance élevé. La Figure A11a représente l’évolution de la demande de transport de marchandises en transit au passage de Vintimille. Quasiment inexistante au début des années 1980 (env. un million de tonne en 1984), cette demande est proche de douze millions de tonnes en 2004. Les volumes de transport en transit à Vintimille sont désormais supérieurs aux volumes de transit à travers le Nord des Alpes françaises.

Figure A11. Le transport de marchandises en transit au passage de Vintimille

Source : Alpinfo (2006) pour la figure de gauche et SES (2001) pour la figure de droite

L’enquête CAFT de 1999 (SES, 2001) rapporte la distribution géographique des volumes de transport en transit à Vintimille. La Figure A11b reproduit la distribution géographique des volumes de transport observée en 1999. Selon cette figure, les flux en provenance ou à destination de la péninsule ibérique représentent la quasi-totalité des flux de transit à Vintimille (98%). Ces flux concernent d’abord la région Este (46% du transit) qui correspond à la Catalogne et à la région valenciane. Ensuite, apparaissent des régions comme la région Noreste (Pays basque, Navarre, Rioja et Aragón, 15% du transit), la Comunidad de Madrid (9%) ou le Portugal (11%).

Les volumes de transport de transit à Vintimille se caractérisent enfin par l’absence de flux de transport ferroviaire. Celle-ci s’explique par la conjonction de deux éléments.

  1. La différence d’écartement des rails entre l’Espagne et la France entraîne en premier lieu une rupture de charge lors du passage de la frontière par les trains de marchandises. Un rapport du Conseil général des Ponts et Chaussées (2001) estime que le coût des opérations supporté par les chargeurs correspond à un montant de deux à huit euros par tonne transportée. En retenant l’hypothèse basse de deux euros, ce coût revient à plus de cinquante euros pour un tonnage équivalent à celui d’un camion. Le rapport mentionne également des délais d’immobilisation des convois pendant la durée des opérations, cette immobilisation variant de six heures à plus d’une journée.
  2. La mauvaise qualité de l’offre de transport ferroviaire littoral entre la France et l’Italie est un second handicap pour le transit ferroviaire à Vintimille. Cette dernière est en particulier causée par les caractéristiques de l’infrastructure ferroviaire en Italie. La ligne ferroviaire entre Gênes et Vintimille présente ainsi une large section à voie simple. Sur les cent quarante-quatre kilomètres de cette ligne, une section de quarante-trois kilomètres présente une voie simple (RFI, 2005). L’affectation des capacités de l’infrastructure de transport ferroviaire est un autre indice de la faible qualité de l’offre de transport ferroviaire. Le tableau qui suit souligne le faible nombre de sillons dédiés au transport de fret international sur la ligne Marseille-Vintimille (huit sillons) par rapport à ceux qu’offre la ligne Dijon-Modane (cinquante-six sillons).
Figure A12. Programme d’affectation des capacités
Figure A12. Programme d’affectation des capacités

Sources : RFF (2005a, 2005b)

La rupture de charge consécutive à la différence d’écartement des voies à la frontière franco-espagnole et la mauvaise qualité de l’offre de transport ferroviaire le long du littoral méditerranéen sont les principales raisons expliquant l’absence d’alternative ferroviaire pour le transport de marchandises en transit au passage de Vintimille.

Il convient cependant d’observer la possibilité d’une alternative au transport routier de marchandises avec le transport maritime et, plus précisément, avec une offre de transport de poids lourds par ferries depuis le port de Barcelone. L’armateur italien Grimaldi Napoli opère ainsi deux liaisons entre le port de Barcelone et les ports respectifs de Gênes et de Rome (Civitavecchia) par l’intermédiaire de sa filiale Grimaldi Ferries. L’évolution des tonnages de transport international par ferries 27 (Figure A13) montre la progressive montée en charge de la ligne Barcelone – Gênes à partir de 1997 puis de la ligne Barcelone – Gênes, ouverte en mars 2004 (Port de Barcelona, 2004). Le tonnage observé représente un volume de treize millions de tonnes brutes en 2005. En 2005, l’armateur Grimaldi Ferries a ouvert une (troisième) ligne de ferry entre Toulon et Civitavecchia.

Figure A13. Evolution des tonnages bruts des ferries internationaux au port de Barcelone

Source : Port de Barcelona (2006)

Il convient toutefois d’observer qu’il s’agit de tonnes brutes incluant également le poids des véhicules, les statistiques portuaires ne semblant pas distinguer les tonnages transportés et le poids des véhicules. Il existe de plus une incertitude quant à la présence ou non des tonnages correspondant aux véhicules légers dans ces statistiques. D’autre part, il n’est pas possible d’observer de report modal de la route vers le transport maritime avec la montée en charge du transport maritime par ferries. Il est donc impossible de déterminer si l’offre de ferries vient concurrencer l’alternative maritime elle-même (transport par conteneurs), le transport routier de poids lourds à vide ou le transport routier de poids lourds en charge.

Notes
27.

Les liaisons Barcelone-Gênes et Barcelone-Civitavecchia correspondent aux principales routes de transport maritime internationales par ferry depuis le port de Barcelone. Il existe en fait des liaisons maritimes par ferries entre Barcelone et l’Afrique du Nord mais ces liaisons ne sont pas régulières, contrairement aux lignes quotidiennes Barcelone-Gênes et Barcelone-Gênes. Il est donc possible d’assimiler le trafic maritime international par ferries du port de Barcelone au trafic des liaisons Barcelone-Gênes et Barcelone-Civitavecchia.