2- Hypothèses

Pour tenter d'apporter un début de réponse aux questions que nous nous posons, nous nous fondons sur quelques hypothèses.

• - Première hypothèse: Les médias sont des acteurs majeurs du champ politique: ils lui donnent son langage, son esthétique, les formes et les logiques par lesquelles les engagements, les choix politiques, les décisions mais aussi les débats et les oppositions acquièrent une consistance symbolique. A ce titre, ils constituent une composante essentielle de notre vision du monde.
• - Deuxième hypothèse: L'information est, sans doute, le processus qui fonde l'espace politique. Les « nouvelles », en décrivant sa réalité, proposent des représentations de l’espace public. En effet, chacune d'entre elles figure le travail de constitution de l'actualité. Pour comprendre l'actualité, il ne suffit pas de connaître les acteurs principaux ainsi que leurs rôles et fonctions; il faut encore imaginer leurs existences. L'actualité sédimente ce qu'on pourrait appeler un imaginaire social médiatique; elle ne cesse pas de présupposer et de renouveler, non pas seulement la représentation sociale des personnages centraux du monde commun, mais aussi celle de leurs attitudes et activités: c'est quand s'élabore et se diffuse l'information sur les activités des acteurs politiques que naît véritablement l'espace politique, dans sa consistance symbolique, (les images, les discours et les représentations) mais aussi dans sa consistance réelle ( la diffusion des médias assure la présence de l'information dans tout le territoire, qui devient, ainsi, véritablement l'espace public) et dans sa consistance imaginaire
  (l’imaginaire politique étant toujours issu de représentations symboliques intériorisées).
• - Troisième hypothèse: Par l'information quotidienne mais aussi par la mise en relation, grâce aux médias, de tous les faits de la vie sociale, les uns avec les autres, va pouvoir se construire une véritable culture politique: une appréhension politique de l'ensemble des événements constitutifs de la sociabilité. En effet, de cette manière, les médias élaborent et proposent à la fois des modes d'intelligibilité et des critères d'analyse et d'interprétation.
  En intégrant le discours sur les événements et sur le fait politique à un ensemble d'informations, à l'ensemble des connaissances quotidiennes, les médias proposent des moyens de comprendre le monde, de lui donner une signification. C’est d’ailleurs aussi dans ce temps de l’information que les médias concourent à façonner notre imaginaire politique : notre idéologie. Les médias, finalement, réduisent les dimensions du monde en nous le rendant familier, et, par conséquent, en intégrant à notre conscience politique l'ensemble des événements, des acteurs et des formes de sociabilité dont il est formé.
• -Quatrième hypothèse: Même s’ils ne comportent pas que des discours politiques, les médias sont tous porteurs, dans leur énonciation, d'une orientation politique et d'un engagement. Cela définit leur énonciation même comme une énonciation politique, en ce sens qu'un certain nombre de rubriques, de lieux de l'espace du journal, présentent une identité politique particulière, assumée comme telle par le journal. Il s'agit des lieux du journal dans lesquels l'engagement du média se revendique de façon explicite, comme pour le refonder dans son statut d'acteur de l'espace public. Le terme d'identité discursive du journal comme forme, comme personnalité symbolique désignera pour nous la figure publique du média, cette image constituée exemplaire après exemplaire et incarnant son dessein fondamental. Pour façonner son identité discursive, l'institution médiatique met en place un réseau de routines et d'habitudes de travail élaborées pour gérer au mieux la situation du champ. La composition d'une identité discursive consiste donc pour un média à se distinguer de ses concurrents sans cesser de se conformer à la logique du champ médiatique.