4- Pistes de recherche

Pour mettre en évidence nos hypothèses, le plan de notre recherche qui se donne pour principal objet d'élaborer la nature et la spécificité de la médiation de la guerre, s'articule autour de cinq points.

Dans un premier temps, il conviendra d'examiner le phénomène de la guerre, dans ce qui le caractérise comme une violence collective, et son rapport avec la communication en général, les médias en particulier, afin de le mettre en perspective avec la crise ivoirienne qui constitue notre étude de cas. (Première partie)

Dans un second temps, nous examinerons, à travers l’approche épistémologique et théorique du concept de l’ethnicité, la formation particulière des identités dans la guerre. La guerre en faisant disparaître les repères et le sens des pratiques symboliques constitutives de la sociabilité, construit entre les acteurs politiques et institutionnels une forme de reconnaissance négative qui les institue les uns contre les autres. La guerre en Côte d’Ivoire et la construction identitaire qui la caractérise montrent ainsi deux champs de rationalité qui la rendent intelligible. D’une part, elle est un événement identitaire, elle se pense comme un événement inscrit dans l’évolution et dans l’histoire des identités et des sociabilités. D’autre part, elle est un événement guerrier : elle se pense comme un événement inscrit, à la fois dans le passé, le présent et dans le réel des ethnies auxquelles il est imposé, pour qui il représente une destruction des espaces et des habitants. L’étude des identités montre que la double signification de la guerre engage, ainsi, une logique de l’événement, fondée sur l’articulation entre, d’un côté, les espaces et les territorialités et, de l’autre, les appartenances et les sociabilités. (Deuxième partie)

Nous nous attacherons aussi à l'analyse de la « mise en média » de l'événement, en l'occurrence, la crise ivoirienne. Les médias sous toutes leurs formes, vont donner leurs significations politiques aux événements liés à la guerre qui, dans la succession de leurs représentations, forment la trame narrative du conflit. Ce sont les représentations que donnent les médias, en interprétant, construisant la signification, en élaborant la mise en scène, qui vont véritablement faire de la guerre un objet d'information, et, ainsi, en l’inscrivant dans les formes du langage, la rendre interprétable: c'est à partir du moment où elle est mise en mots et en images, inscrite dans le langage, que l'on peut donner à la guerre la consistance interprétable d'un système symbolique de représentations. Cette partie intitulée « les lieux et les événements », nous permettra de montrer que la guerre n'est pas analysée comme n'importe quel événement et qu'elle fait l'objet, dans les médias, d'une représentation particulière, fondée sur deux éléments majeurs. Le premier élément est l'inscription dans le temps d'une succession d'événements: la guerre est comme une longue séquence d'événements successifs discontinus, dont la signification globale est donnée par son évolution. Le deuxième élément est la restructuration de l'espace: la guerre refonde les frontières, en les déplaçant et en configurant de façon nouvelle les situations et les positions des belligérants, ainsi que l’étendue des territoires. L'événementialité politique de la guerre réside dans cette fondation d'un espace politique nouveau. (Troisième partie).

De même, les médias montrent à l’œuvre les acteurs (civils, militaires, politiques) de la guerre. Ce n'est pas seulement par le récit des événements et des activités de l'espace politique du conflit que les médias permettent à leurs lecteurs de construire leur opinion, c'est aussi par la mise en scène de la représentation même des acteurs de la guerre, qui, en acquérant une visibilité dans les médias, deviennent, de ce fait, de véritables identités par rapport auxquelles, il est possible de se situer. Ici la représentation photographique et caricaturale structure la guerre et ses acteurs, en leur donnant des formes, des portraits: en leur donnant la consistance de personnages auxquels il est possible de s'identifier. La représentation de la guerre nous émeut en montrant la violence et son cortège de souffrances, de morts et construit par conséquent les acteurs en représentant les acteurs politiques, militaires ou civils sous une forme de reconnaissance négative qui les institue les uns contre les autres. Par ailleurs, cette représentation de la guerre nous implique en nous émouvant. Dès lors, c'est cette émotion ou cette implication des lecteurs qui représente la mise en oeuvre de l'articulation du politique dans les médias. (Quatrième partie)

Enfin, pour achever la représentation de la guerre, la cinquième piste de recherche consistera à analyser le prolongement de la guerre dans les oeuvres africaines littéraires de fiction. Il s'agit, à travers la médiation fictionnelle, d'analyser la transcription fictionnelle du thème de la guerre comme forme particulière de distanciation et de sublimation. La fiction représente, ainsi, en particulier, un miroir esthétique de la guerre: elle en constitue une représentation poétique libérée des contraintes de l'histoire et par conséquent, inscrite dans les formes sublimée de la médiation esthétique.

Cette recherche permettra ainsi, de rendre compte de la représentation de la guerre dans les médias et par là même occasion, la confrontation des médias et de la fiction littéraire doit permettre de redéfinir le concept d’information. Il faut s’interroger sur le statut de la fiction dans la réflexion sur la dimension esthétique de la communication, en particulier pour montrer ce qu’apporte la fiction à la réflexion sur la communication et sur la construction d’une rationalité et une intelligibilité des faits de communication. (Cinquième partie)