1-4 La communication et les médias avant la guerre

En énonçant un discours qui appelle à la guerre, les médias jouent un rôle considérable en diffusant un discours belliciste dans l’espace public, et en instituant, ainsi, une opinion publique guerrière. On peut dire que les médias, par leur engagement dans la communication et le traitement de l’information, produisent des identités symboliques guerrières dans l’opinion, font de l’opinion, acteur indistinct de la médiation politique, un acteur engagé dans la guerre. Dans leur expression, les médias et les discours favorables à la guerre désignent l’ennemi en l’instituant comme un acteur collectif à combattre, voire comme une puissance, comme l’identité collective d’un pays à abattre, même quand, comme dans le cas des guerres civiles, il s’agit d’un « ennemi intérieur », porteur de la même nationalité. La communication favorable à la guerre pousse aux hostilités sur la base de l’identification négative de l’ennemi collectif, à qui est assignée une identité adverse de celle du média et de son opinion.

Sur la base de cette confrontation entre identités, les médias instituent dans l’espace public un discours de légitimation de la guerre. C’est ainsi que, lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, les médias favorables à la guerre ont accentué la délégitimation du président irakien Saddam Hussein, tandis que, lors des événements consécutifs aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, certains discours ont présenté comme légitime l’action contre Al-Qaida, en la présentant comme une guerre. On mesure, en ce sens, toute la portée de certains plans sur Saddam Hussein dont disposaient quelques chaînes de télévisions occidentales et qui étaient inlassablement montrés : avec les otages et particulièrement l’enfant ; sur un champ de manœuvre appelant un soldat d’un geste sans appel; hiératique et finalement presque respectable en présidant une réunion dans son bunker ; entrant dans le parlement ; priant à genoux dans la rue. Bref, un ennemi « satanique », qualifié des pires adjectifs, mais que l’on arrivait pas à trouver franchement monstrueux. A cela s’ajoutent les efforts de quelques spécialistes en psychophysiologie et physionomie qui, installés devant des « moniteurs », nous analysaient image après image, ses gestes et ses mimiques pour nous convaincre qu’il était le pire des hommes. Quand on voyait en face la fantastique armada qui se mettait en place contre lui seul, on a du mal à douter de la distribution des rôles, tout en sachant où étaient le bon et le méchant. C’est dans cette légitimation de la guerre qu’intervient pleinement, dans la communication, la référence à la violence légitime de l’Etat.

La légitimation de la guerre est, ainsi, double. En effet, les acteurs de la communication, à la fois, instituent l’Etat belligérant comme acteur de la violence légitime, et, ainsi, reconnaissent sa puissance et son pouvoir, mis en oeuvre au nom d’une diabolisation et d’une délégitimation de l’adversaire.