1-5 La communication pendant la guerre

Pendant la guerre, les médias assurent un maintien minimal dans l'espace public de l'expression des identités symboliques et des représentations politiques : ils assurent la pérennité des engagements qui nous fondent, dans la mesure où, en temps de guerre, l'expression des identités est plus forte en ce que la guerre est un moment d’exacerbation des clivages politiques et des identités symboliques. Les médias construisent, en quelque sorte, la permanence symbolique du fait institutionnel, au moment où les institutions et la sociabilité politiques sont en crise et, en quelque sorte, en état de veille. La communication, qu’elle passe par les médias ou par les acteurs institutionnels, consiste, pendant la guerre, à poursuivre la représentation du pays et de l’Etat, et, ainsi, à pérenniser la situation de spécularité politique et sociale qui permet aux habitants d’un pays, même en état de suspension des rapports institutionnels, de se reconnaître leur identité et de reconnaître les pouvoirs et les institutions.

Par ailleurs, pendant les opérations, les médias assurent la médiation entre l’espace symbolique (où a lieu la représentation même du politique) et l’espace réel (où a lieu le déroulement effectif des engagements et des actions qui font l’actualité de la guerre). Les médias assurent la confrontation permanente entre le réel de la guerre, les représentations symboliques dont elle peut faire l’objet et les imaginaires politiques au nom desquels s'engagent les acteurs. En assurant cette confrontation, ils permettent l’appropriation symbolique de la guerre par les habitants, et, par conséquent, la confrontation de leurs pratiques effectives de la sociabilité et aux événements qui menacent leur identité collective. En ce sens, les médias assurent la présence symbolique de la guerre dans l’espace public, ils empêchent l’Etat, le pays, le jeu des identités, de forclore la guerre, ou de nous forclore par rapport à elle, en nous obligeant, par sa présence dans les médias, à prendre position par rapport à elle et à instituer nos identités politiques dans la relation à la guerre.

Enfin, les médias construisent la mémoire de la guerre au fur et à mesure de son déroulement : ils ont une fonction d’enregistrement des événements, à la fois pour la mémoire de ceux qui les vivent, et qui, ainsi, en conserveront la mémoire après qu’ils seront terminés, et pour celle de ceux qui ne les connaissent pas, mais qui seront les dépositaires de cette mémoire dans la conscience politique de leur identité. Les médias préparent, en quelque sorte, l’après-guerre en assurant l’inscription de la guerre dans la mémoire et dans la culture, comme un événement constitutif -ne serait-ce que par opposition à l’adversaire- de l’identité politique.