Chapitre3 - Géopolitique du conflit : La guerre en Côte d’Ivoire

3-1 La complexité du cas ivoirien

L’étude de la médiation en situation de guerre en Afrique de l’Ouest, ayant pour cadre la Côte d’Ivoire, sa présentation s’avère nécessaire car c’est à travers celle-ci que le lecteur disposera des clefs adéquates pour saisir la portée de notre démarche, notamment lorsqu’il s’agira de mener une réflexion sur les spécificités du conflit ivoirien par rapport à d’autres conflits africains ou par rapport à la culture de la guerre en Afrique en général.

Il s’agit de donner au lecteur les éléments de compréhension lui permettant d’accéder à nos analyses lorsqu’il s’agira d’évoquer les stratégies mises en œuvre par les acteurs ivoiriens du conflit en fonction de leur identité politique et ethnique. Une telle présentation nous conduira par conséquent à proposer une chronologie politique de la Côte d’Ivoire, une analyse de la crise et le rôle de certains acteurs dans le conflit.

Depuis septembre 2002, la Côte d’Ivoire est dans la tourmente. Treize ans après la mort de Félix Houphouët-Boigny, la « locomotive économique » de l’Afrique de l’Ouest francophone a exhibé sa grande vulnérabilité, en basculant dans la guerre et le désordre institutionnel, et jetant dans le désarroi les autres pays de la région. Le cauchemar ivoirien a commencé au petit matin du 19 septembre 2002, avec une attaque à l’arme lourde contre les casernes militaires d’Abidjan qui prend des airs d’un putsch manqué, puis se déplace à Bouaké, la seconde ville du pays, pour finalement devenir une rébellion armée contre le régime en place. Depuis lors, les branches politiques et militaires de ladite rébellion confortent leurs positions dans la deuxième ville du pays, et contrôlent la moitié du Nord de la Côte d’Ivoire.

A l’évidence, si la paix a du mal à s’installer, ce n’est pas faute d’initiatives en sa faveur. Dès le début de la crise, Abidjan, Paris, Lomé et Accra ont successivement été le théâtre de ballets diplomatiques incessants : la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a engagé les premières négociations de paix sous l’égide de Gnassingbé Eyadéma, alors président du Togo ; puis la France, soutenue par l’ONU et la CEDEAO, a pris le relais, pour parvenir en janvier 2003 à l’Accord de Linas Marcoussis, qui constitue, aujourd’hui encore, le seul cadre d’intervention pour l’ensemble de la communauté internationale.

L’Accord de Linas Marcoussis, complété par celui d’Accra signé, quelques semaines plus tard par les parties ivoiriennes, a permis de mettre en place un Gouvernement de réconciliation Nationale dirigé par un Premier ministre consensuel, dont le mandat était d’œuvrer au retour de la paix et de la stabilité, et d’organiser, en 2005 35 des élections législatives et présidentielles.

Malheureusement, depuis sa signature, l’Accord de Linas Marcoussis s’est heurté, plusieurs fois, dans son application à de nombreuses difficultés. Des engagements ont été pris et renouvelés, mais trois années plus tard, il faut bien se rendre à l’évidence : la Côte d’Ivoire n’est certes pas en guerre, mais la paix n’a pas, non plus, beaucoup progressé. On voit ainsi apparaître en filigrane toute la complexité de la crise en Côte d’Ivoire.

Notes
35.

L’instabilité et la scission du pays en deux blocs seront à l’origine du rejet des élections au préalable prévues pour octobre 2005 à une date ultérieure et entraînent du coup la prolongation d’un an du mandat du Président Laurent Gbagbo.