3-3 Les racines de la crise militaro-politique en Côte d’Ivoire.

Souvent citée en modèle de stabilité politique, la Côte d’Ivoire inscrit, le 24 décembre 1999 36 , un premier coup d’Etat militaire dans ses annales politiques. Cette première fracture apparaît comme le prélude d’une longue crise militaro-politique qui va connaître de multiples soubresauts au fil des années. En effet, dix mois plus tard, en octobre 2000, le pays subit deux chocs : il s’agit d’une part, de l’affrontement entre forces gouvernementales et populations civiles déterminées à s’opposer à la manipulation électorale du général putschiste Robert Gueï, candidat à sa propre succession ; d’autre part, il s’agit de faits moins banals, ceux d’une barbarie résultant de violents heurts entre les militants des deux principaux partis politiques de l’opposition, le Front populaire ivoirien (FPI) appuyé par une frange de la gendarmerie et le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara. Deux ans après les élections d’octobre de 2000 qui ont porté Laurent Gbagbo au pouvoir, la Côte d’Ivoire refait l’expérience d’une mutinerie qui s’est transformée en conflit armé. Dans la foulée, trois rébellions, conduites par le Mouvement patriotique de Côte d’ivoire (MPCI), le Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix (MPJ), se sont déclarées sur près de deux tiers du territoire national 37 .

Au regard de ces différentes prémices du conflit ivoirien, qui à partir du 19 septembre 2002 plongera le pays dans une situation politique mouvementée et ambiguë, la crise sociopolitique en Côte d’ivoire peut alors être définie comme étant : « l’ensemble des manifestations qui compromettent la continuité de l’Etat, de l’ordre social, en introduisant de ce fait une rupture dans un temps relativement long de stabilité politique dans un pays considéré pendant longtemps comme un modèle» 38 .

Afin de mieux appréhender le sens et les enjeux de cette crise sociopolitique, d’abord par rapport au sens du désordre social et politique, consécutif à la longue période de stabilité politique, il incombe de recourir à l’histoire, au « temps long », susceptible de mettre en évidence la rupture d’une actualité ivoirienne relevant d’une nouvelle manifestation d’un courant de décomposition et de recomposition des identités politiques nationales.

Notes
36.

Mc GOWAN et JOHNSON (1986), mettaient déjà l’accent sur la fréquence des coups d’Etat dans les pays africains. Suite à la colonisation, entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1985, ils dénombraient 60 coups d’Etats dans 45 Etats africains sub-sahariens. Le Soudan et le Ghana avec respectivement 6 et 5 coups, détenaient le record.

37.

Cf. « Le dossier » consacré à la guerre en Côte d’Ivoire, Politique Africaine, n°8, 2003.

38.

AKINDES (Francis), (2004), Les racines de la crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, CODESRIA, (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique), 2004, p.7