Pour conclure

L’analyse des fictions de guerre montre des identités fondées sur la différence à l’autre, ce qui inscrit la guerre dans une logique globale d’instrumentalisation de la violence. Cette violence collective peut-être perçue comme l’instrumentalisation de la violence par des gens qui s’identifient en tant que membres d’un groupe contre un autre groupe ou un regroupement d’individus, afin de parvenir à des objectifs politiques, économique ou sociaux.

Parmi nos constats concernant la signification particulière de la guerre dans les fictions, se retrouve sa capacité à constituer une logique particulière de mise en scène et de reconstitution de l’identité des acteurs, comme forme particulière d’institution et de reconnaissance des identités. C’est justement la dimension qui nous interpelle le plus dans la représentation de la violence de la guerre : le processus par lequel celle-ci va définir l’identité des acteurs, en égale mesure la nôtre et celle de l’autre ; Il n’y a pas de guerre sans passage par cette double définition / re-définition identitaire. Le moment peut-être le plus significatif de la guerre, son point de départ, représente cette réduction binaire entre un « nous » qui possède les qualités et la légitimité nécessaire pour mener la guerre et un « autre » qui va devenir l’Ennemi et qui va posséder tous les vices et les différences négatives pour justifier son anéantissement.

La réduction de la guerre à un affrontement binaire passe donc par une phase d’identification des différences de l’Autre, ce qui va provoquer une scission schizophrénique impliquant une re-construction identitaire par rapport à deux instances : l’appartenance à une collectivité et la non appartenance décisive à une autre. A son tour, ce processus déclenchera deux formes d’action et de représentations.

D’un côté, la définition de l’identité en fonction d’une non appartenance au groupe permettra à « l’adversaire » d’avoir comme désir de se retrouver seul dans l’espace de sociabilité qui se transforme ainsi radicalement et se définit comme un champ de bataille.

De l’autre côté, la guerre implique des logiques de développement de formes d’engagement d’être ensemble. Paradoxalement, la scission face à l’autre fait accroître le sentiment d’appartenance et augmente la solidarité d’un groupe. C’est à partir de ce constat que sont construites, généralement, les théories qui feront l’apologie de la guerre comme forme « idéale » d’existence collective et fondement de l’identité.

Comme toute forme de violence politique, la guerre construit entre les acteurs – et à l’intérieur du temps de la confrontation- une logique de dénégation qui les institue les unes contres les autres.

Ainsi, dans la guerre, les identités ne se constituent pas de façon absolue, mais elles pensent progressivement que dans l’opposition – c’est-à-dire dans un cogito d’identification conçu comme un ensemble de relations d’oppositions entre acteurs. Mais la guerre, comme nous l’avons vu, représente une forme violente de l’affrontement qui implique une crise identitaire et un changement identitaire.

« La guerre requiert une symétrie originelle (celle des belligérants) et une dissymétrie finale (celle du vainqueur et du vaincu) », précise Huyghe 417

Cette crise est un processus qui accompagne et motive la violence guerrière. Si dans l’état de confrontation politique, la médiation requiert une représentation de l’autre semblable à moi, la guerre oppose une représentation différente de l’autre, nécessairement inférieur et néfaste donc à faire disparaître.

« Ce qui fonde la guerre –précise Lamizet- ce n’est pas tant l’antagonisme de positions de deux acteurs sociaux ou de deux acteurs historiques, que la revendication, par l’un et par l’autre, d’une identité politique fondée sur l’opposition symbolique à l’autre. » 418

Si l’identité se pense en termes de sociabilité, la guerre représente une crise majeure de celle-ci. En temps de guerre, la reconstruction de l’identité s’articule d’un côté avec la solidarité à l’intérieur de « notre camp » et par l’affrontement et la rupture de lien avec l’autre.

Notes
417.

HUYGHE (François-Bernard), (1998), « L’arme et le medium ou la transmission en trois métaphores », In Cahiers de Médiologie, n°6, Ed. Gallimard, p.127

418.

LAMIZET (Bernard), Politique et identité, op. cit., p. 240