Chapitre 3
Fictions sur la guerre et distanciation

La guerre va aux limites de la représentation ; ainsi dans la représentation de la guerre par la fiction, se trouve mise en œuvre la sublimation esthétique de l’événement rendant possible, l’identification du sujet par la médiation de la représentation de la guerre. La distanciation par rapport à la guerre est la seule garantie d’une effective liberté de jugement par rapport à lui : elle nous permet de comprendre que la guerre ne nous concerne pas à titre personnel, mais qu’il convient de comprendre la signification qu’elle revêt pour nous. La distanciation de la guerre, est ainsi, dans l’esthétique de la représentation, la seule façon d’en reconnaître le sens, sans faire piéger par le réel, sans avoir la conscience et la mémoire inhibées par le poids de la circonstance dont nous sommes témoin. « La distanciation est la condition nécessaire à l’intelligibilité sémiotique de l’événement : sans la distance critique que l’on observe par rapport à lui, on ne peut interpréter l’événement, on ne peut lui reconnaître de consistance symbolique, car on se trouve limité à sa consistance réelle. La distanciation par rapport à l’événement commence par le fait de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un événement pour soi, mais tous : il s’agit de la distanciation constitutive de la dimension symbolique du fait de la médiation. » 419

La représentation de la guerre, dans de telles conditions, est impossible dès lors qu’elle met en scène des sujets singuliers auxquels on est censé s’identifier, mais qui ne peuvent susciter, auprès du lecteur, qu’angoisse, distanciation, absence de sens dans la conscience de l’absurdité de la mort en guerre. Cette exigence de la « censure », oblige les écrivains de notre corpus à avoir recours à l’humour. En effet, cet artifice littéraire apparaît comme une stratégie de rendre présentable ce qui ne l’est pas en réalité. Il y a donc forcément une corrélation entre la distanciation de l’horreur et le recours à l’humour.

Notes
419.

LAMIZET (Bernard), Sémiotique de l’événement, op. cit., p. 280