La controverse Zajonc-Lazarus

La célèbre controverse opposant les conceptions théoriques défendues respectivement par Zajonc (1980, 1984) et Lazarus (1984) est souvent citée pour débattre de la nécessité de l'intervention de processus cognitifs dans la génération d'une émotion. En résumé, selon Zajonc, la valeur émotionnelle d'un stimulus peut être appréciée sans aucune élaboration cognitive préalable.

Par contre, pour Lazarus, ardent défenseur des théories cognitives, l'évaluation cognitive est une condition nécessaire à toute expérience émotionnelle. Cependant, divers auteurs ont souligné que le débat résultait essentiellement de l'ambiguïté des concepts de cognition et d'émotion. La vraie question soulevée par ce débat ne serait pas : Une émotion peut-elle être déclenchée sans l'intervention de processus cognitifs, mais plutôt : quels sont les pré requis cognitifs minimaux, conscients ou non, pour qu'une émotion survienne ?

Aujourd'hui, le débat Lazarus-Zajonc sur le fait que l'émotion puisse être engendrée en l'absence de cognition a donc évolué de façon considérable.

L'une des retombées majeures de ce débat fut d'amener les tenants des modèles cognitifs de l'émotion à clarifier leur définition du concept d'évaluation. La plupart des auteurs actuels (Frijda, 1986, 1989, 2003; Scherer, 1982) s'accordent sur l'idée que, si l'extraction de la valeur émotionnelle d'une stimulation nécessite impérativement certaines transformations de l'information, certaines émotions peuvent être engendrées en l'absence de médiation cognitive.

Ainsi, presque tous les auteurs de cette tradition théorique reconnaissent aujourd'hui que le traitement nécessaire pour évaluer si une situation externe a une signification dangereuse ou agréable pour l'individu peut être, au moins dans certains cas, global, automatique, rapide et inconscient afin d'assurer une réaction adaptée de l'organisme. Des évaluations cognitives beaucoup plus élaborées et des modèles de comportements beaucoup plus souples et variés doivent cependant être envisagées lorsque des émotions complexes, comme la vanité, la nostalgie, la pitié ou le remords, sont prises en considération.

Le nombre, la nature et l'importance de ces évaluations varient en fonction du nombre et du type d'émotions que chaque théorie vise à expliquer.

Des chercheurs se sont intéressés aux émotions implicites, ou hors de la conscience.

Mais cette distinction entre la pensée et l’émotion allait être de nouveau remise en question par des études de R. Zajoncqui montraient que les émotions pouvaient être indépendantes de la cognition en établissant l’influence de biais d’expositions subliminales qui influencent de façon inconsciente les choix et les décisions.

Cet aspect inconscient des émotions s’exprime aussi par le biais négatif omnipotent dans la pensée négative a été démontré par Beck (1976), au cours de sa théorie des schémas négatifs, ainsi que dans les conséquences des attributions causales sur les états dépressifs ou motivationnels, lors de cas de dépression réactive, faisant suite à une expérience négative ou inversement en situation de succès (Weiner et al, 1978). L’émotion, en vertu de ce modèle, pourrait alors être considérée comme un dérivé de la cognition, comportant des mises en relation entre plusieurs contenus sémantiques, reposant sur des modèles d’implication logique.

En s’appuyant sur ces modèles, on perçoit l’importance et la nature des réponses émotionnelles, dans des situations de dépendance qui placent le sujet en position de mise à l’épreuve, dans sa capacité de régulation et ses aptitudes à réaliser des choix et faire face à des évènements. On peut supposer que la production émotionnelle inconsciente ou hors cognition sera d’autant plus sollicitée que la cognition est peu active.