2. 4. L’approche de la métapsychologie psychanalytique

Les caractéristiques de l’émotion se définissent à partir de trois domaines : les manifestations physiologiques, les comportements et les éprouvés. C’est ce dernier domaine qui intéresse la psychanalyse. À partir des champs très divers qui tentent de cerner la définition de l’émotion, nous reprendrons la constatation de J. Cosnier (1994) : « Le champ des émotions implique les auteurs dans leur propre discours… Chacun explicitement ou implicitement y fait référence à soi-même, et l’introspection occupe une place fondamentale, malgré tous les dispositifs objectivement sophistiqués et les programmes rigoureux de recherche ». La métapsychologie va privilégier les éprouvés psychiques.

Le terme d’affect est préféré à celui de l’émotion. Freud dans les années 1890 commence ses travaux et dès le début est confronté aux affects et à leur transformation sous forme de blocage et de refoulement des représentations qui provoquent des conversions somatiques. C’est donc à partir de symptômes qui sont des messages complexes ou basiques et corporels que l’affect inconscient se manifeste. La déliaison entre la représentation et l’affect s’accompagne d’angoisse. L’affect serait l’aspect subjectif de l’énergie pulsionnelle. La pulsion est inconsciente et peut devenir consciente par deux médiations, l’affect et la représentation. La théorie freudienne classique voit dans l’affect et la représentation (le quantitatif et le qualitatif) deux représentants indépendants de la pulsion.

Le processus de compréhension envers soi-même ou envers autrui consiste à lier l’affect et la représentation dans le cadre de la dynamique pulsionnelle. La pulsion libidinale est en quête de représentations pour l’appareil psychique. Les liens sont créés et intériorisés, voire introjectés afin d’organiser la vie psychique. Au contraire, la déliaison vient entraver les éléments de la vie psychique.

Nous pouvons retenir dans la conception de Freud une intrication du somatique et du psychique de l’état affectif avec une partition des deux dans les destinations de l’affect : L’une est le résultat de l’intégration dans le psychisme, l’autre résulte de sa dispersion dans différents fonctionnements somatiques. Dans Inhibition, symptôme et angoisse (1926), Freud rappelle que l’Affect est une nécessité biologique pour l’autoconservation et pour la situation de danger. En ce sens, il est très proche des théories de Darwin sur la fonction adaptative des émotions dans les impératifs d’auto conservation dont on connaît l’importance chez Freud. L’angoisse peut jouer un rôle comme signal devant l’apparition de tel ou tel événement dangereux ou au contraire voir un effet direct traumatique.

La perspective de Mélanie Klein (1946) met au premier plan le ressenti en tant que vécu émotionnel et vécu corporel. L’«objet » destin d’amour et d’investissement de l’autre se construit à partir d’une perception de la séparation, ce qui suscite de la haine. Sa théorie de l’émotionnel prend place entre moi et l’autre, dans un espace interpersonnel. L’identification projective qui est un mécanisme destiné à effacer la séparation consiste à abolir les frontières de deux entités vivantes en projetant des matériaux affectifs qui seraient vécus comme dangereux en soi.

Selon Winnicott (1971), deux zones peuvent être discernées : l’extérieur et l’intérieur. Il en délimite une troisième, entre les deux premières, une aire transitionnelle appelée aussi espace potentiel. Winnicott théorise cette zone intermédiaire mais néanmoins dynamique, où il se passe des choses, d’où le terme de transitionnel. Tout l’art de Winnicott réside dans le fait qu’il arrive à concrétiser un concept très abstrait en le révélant lors de ses observations de pédiatre, puis sa pratique de psychanalyste. Il va même plus loin que le révéler, dans sa pratique, il jonglera avec cet espace ouvrant une voie entre le patient et lui  : « l’être humain, dès la naissance, est confronté au problème de la relation entre ce qui est objectivement perçu et ce qui est subjectivement conçu ».

Enfin, pour un auteur comme Green (1973), l’affect correspond au corps et au psychisme :

« l’affect est regard sur le corps ému ». L’approche psychanalytique a pu humaniser l’institution en mettant des mots sur la réalité du handicap, pris dans la prédominance du dysfonctionnement des fonctions neurologiques, biologiques et orthopédiques laissant au second plan la dimension affective et émotionnelle qui reste cependant une capacité persistante chez l’enfant, voire un réel moteur dans la survie.