3.1. Les émotions de base

Elles seraient réservées, dans leur acception, aux émotions « primaires » : On peut les qualifier d’émotions de base. La plupart des auteurs considère qu’il y a un nombre déterminé d’émotions de base, primaires, discrètes d’après Ekman, c’est-à-dire différenciées les unes des autres. Ekman et son collaborateur W. Friesen (1971) retiennent sept émotions de base : la colère, la joie, la surprise, la tristesse, la peur, le dégoût et le mépris. Ils confirment la théorie de l’universalité de l’expression de Darwin.

En général, trois composantes déterminent son existence :

  • Une sensation subjective, vécu, sentiment, ressenti, affect
  • Des manifestations neurovégétatives
  • Un déclenchement rapide, un comportement observable

Chaque émotion est traduite par une configuration faciale particulière. Ces émotions de base peuvent se combiner pour former des expressions plus complexes. Les émotions se manifestent dans des réactions observables.

Damasio (2003) découpe les émotions proprement dites en trois types : les émotions d’arrière-plan, les émotions primaires et les émotions sociales :

  • Les émotions d’arrière-plan sont en interactions mouvantes. Ce sont des «états d’être », qu’ils soient bons ou mauvais, un arrière-fond. Damasio les considère comme les résultats de plusieurs processus régulateurs y compris des états métaboliques, d’aspect peu visible qui entrent dans la façon dont on se sent et naturellement ont une incidence sur le comportement et sur les humeurs. On le voit, les émotions d’arrière-plan sont très importantes, même si elles ne sont pas vraiment visibles car elles influent toute la tonalité de nos états, notre présence au monde, comme le fait d’être en forme ou découragé. Ces états, à partir de la description qu’en fait Damasio, ont comme particularité de porter sur des modifications internes et externes, qui se déroulent sur la scène de l’organisme, imprévisibles pour la personne. Cet état de mouvance est constant. Cependant, est-ce qu’on ne peut pas envisager que le contexte ou des émotions de base puissent intervenir également, dans l’autre sens, comme éléments de régulation, dans un phénomène d’échange et d’interférence entre l’environnement et la personne.
  • Les émotions primaires ou de base sont les émotions qui nous viennent à l’esprit quand on évoque la liste la plus communément admise. Elles s’identifient au niveau des êtres humains de plusieurs cultures, ainsi que dans des espèces animales chez qui on observe des mimiques faciales et des comportements caractéristiques, ce qui est un fait d’importance fondamentale pour considérer les émotions sur la base de codes des systèmes de communication interindividuelle, dont l’homme a hérité l’expression.
  • Certaines sont admises par tous, telles : la joie, la surprise, la peur, la colère, la tristesse. D’autres sont plus discutées. Izard (1977) ajoute la détresse le mépris, la culpabilité, l’amour, la honte. Ces distinctions ne sont pas contradictoires, si on admet que les émotions de base sont des signaux physiologiques d’éprouvés et s’appuient sur un contexte d’universalité d’expressions, fournissant des informations à autrui.
  • Les émotions sociales pour Damasio comprennent la sympathie, le mépris, la culpabilité, l’envie, la honte. Elles font partie aussi d’un programme inné, mais exigent une confrontation adaptée fournie par l’immersion et l’implication dans un environnement. Les animaux ont des émotions sociales dont on trouve de nombreux exemples. Les réactions émotionnelles sociales se déclenchent dans les situations sociales humaines, souvent sans stimulus, par effet de présence. Les émotions sociales sont utiles pour détecter la différence chez autrui et selon Damasio ont certainement été mises en place par l’évolution pour détecter les dangers, signaler un risque et favoriser l’attaque ou au contraire l’évitement.

Un tableau synoptique résume l’emboîtement des états émotionnels d’après la métaphore de Damasio d’un arbre touffu dont les niveaux les plus élevés et feuillus symbolisent les sentiments et les racines le système vasomoteur et neurovégétatif.

Tableau 2 . - Tableau d’emboîtement des états émotionnels et affectifs dans l’organisme
Niveaux émotionnels Etats affectifs
Les sentiments

Etats affectifs complexes stables et durables reliés à l’intellect ou vagues et intuitifs :
Expression mentale des autres niveaux.
Les émotions :
sociales
primaires
d’arrière plan
Etats affectifs intenses :
Déclenchement rapide
Expression observable
Message pour soi et pour autrui
Besoins et Motivations Les appétits, les besoins :
La faim, la soif, la curiosité, le sexe, L’exploration
Les désirs conscients et inconscients
Comportements de douleur et de plaisir Recherche de mieux-être
Productions de substances chimiques, de Réactions internes et d’énergie
Réponses immunitaires
Réflexes de base
Régulation métabolique
Processus du métabolisme :
Composants chimiques
Sécrétions endocrines et hormonales
Contractions musculaires
Réflexes

Dans ce tableau, on voit que Damasio propose au moins trois sortes d’émotions proprement dites : les émotions d’arrière-plan, les émotions primaires et les émotions sociales, insérées dans une organisation beaucoup plus complexe des états de l’organisme, que nous faisons apparaître dans la colonne de gauche, sous forme de correspondance avec les états affectifs, les états visibles et moins visibles de l’émotion. Sa métaphore de l’arbre touffu est une tentative de caractériser la complexité organisée croissante, auto organisatrice des niveaux émotionnels, conséquence de la complexité du cerveau humain, qui rappelons-le, comporte 100 milliards de neurones, la plupart ayant des centaines de connexions. Les conséquences de cette complexité aboutissent à la fois la similitude des hommes au niveau de l’expression et des mécanismes mais aussi, à l’inverse, la spécificité de chacun qui fait que nous sommes étrangers les uns aux autres. Dans ce cas, la compréhension d’autrui implique toujours chacun dans ses propres émotions et ses propres références, ainsi que le fait remarquer Cosnier qui fait le constat que lorsque les savants, les philosophes et les chercheurs parlent de l’émotion, ils n’hésitent pas à se mettre en scène, phénomène exceptionnel dans les textes scientifiques où le souci d’objectivité et d’impartialité est de rigueur.