3. 1. 1. L’affect

Les éprouvés psychiques consistent en des états mentaux que l’on peut appeler affects, en élargissant l’acception restreinte des émotions primaires. Ce sont des émotions de base et leurs dérivés. La psychanalyse ne traite pas beaucoup des émotions en tant que telles mais des affects. Pour Roussillon (2005) l’affect est un messager : « on peut le décrire sur sa face interactive, intersubjective, mais il possède aussi une phase intra-subjective sans laquelle les deux autres n’auraient pas de sens ». Le concept d’affect se différencie de l’émotion par la théorie de la représentation. Cependant l’émotion comme l’affect se signalent en soi et se signalent à l’autre.

Dans les développements théoriques kleiniens, on voit apparaître le terme d’émotion en insistant sur le caractère intense des émotions du bébé. Bion (1963) a donné une place plus centrale encore au concept d’émotion. Les liens sont de nature émotionnelle, liens d’amour, liens de connaissance. C’est par la fonction alpha que la mère accueille les pleurs et les cris de son bébé, en transformant l’excitation qui manifeste son malaise en contenus représentés. Le terme d’émotion introduit la relation alors que celui d’affect renvoie à la pulsion. Tout ce que nous vivons est ressenti avec du plaisir ou de la douleur. Dans la description des premières interactions, il semble préférable de parler d’émotion plutôt que d’affect, d’un point de vue clinique.

Ainsi que le souligne Widlöcher (1992), en référence à « L’esquisse d’une psychologie scientifique » de Freud (1899), l’affect se présente avec la complexité d’une expérience subjective. On peut le définir comme l’expression de la pulsion dans une attraction vers autrui. Dans une construction à double face, interne et externe, l’affect se différencie par les mutations et transformations qu’il peut subir dans le temps alors que l’émotion se caractériserait par le court terme et le problème de dérèglement. La notion d’émotion décrirait plutôt un phénomène qui fait irruption, violent, dans une situation présente, comme un mouvement du sujet dont la source est un événement du monde extérieur et elle est basée sur les modifications corporelles alors que l’affect serait une représentation qui émane de son monde intérieur. L’émotion, qui a pour caractéristique de se transmettre dans la relation, connote avec une perspective de décharge et l’on peut percevoir la différence avec l’affect, rattaché quant lui à la représentation. Elle qui a un aspect plus subjectif et moins observable. À travers ces définitions, qui se recoupent ou s’opposent de façon parfois contradictoire, on peut percevoir l’aspect polysémique des termes qui décrivent les processus affectifs et la difficulté de les délimiter.