Etude clinique des discours sur le ressenti et le partage issus des entretiens: Eprouvés et autoréférence

Les données « subjectives » ont été obtenues lors de certaines questions, dans la deuxième partie de l’entretien que nous mentionnons dans ce paragraphe.

Nous présentons ci-dessous seulement quelques extraits de contenus d’entretiens représentatifs de l’ensemble des réponses à partir des questions sur l’autoréférence affective. Il y a des difficultés chez les soignants et les parents à évoquer leurs propres éprouvés. Lorsque l’éprouvé est abordé, il est confondu avec celui de l’enfant chez les mères. Les professionnels ne répondent pas forcément, utilisent des autoréférences corporelles (imitation de l’enfant) et expriment des sentiments négatifs et des mécanismes de défense.

‘« Tout le temps avec Guillaume, mais ce n’est pas moi qui les ai, c’est lui qui trouve ce procédé, je suis sûre qu’il utilise ses yeux comme un laser, il nous transperce et comprend nos propres états d’âme ». ’ ‘« Quand j’allais le chercher à la garderie, il n’avait aucune attention, il ne me voyait pas. C’était dramatique. Il n’avait pas le mot maman, aucun attachement, c’était mon premier. Il n’avait aucun intérêt. Ah ? c’est toi, tu es là ? Ce n’est plus le cas, il nous regarde partir, arriver. ’ ‘C’est arrivé en 2003, la première année, il est parti en colo, en camp avec l’hôpital. Cela a été très dur, au retour qui a coïncidé avec la naissance de Victor. Là, c’est comme s’il pensait  tu es ma mère, je te violente. Je te bats. Avant j’avais l’impression d’être un pot de fleur. Cette année-là, cela a été la découverte du lien avec papa, très fort, très violent ». ’

Réponse d’un professionnel :

‘« Des mouvements comme ça : elle tourne sur elle-même, pour que je comprenne  (imitation de l’enfant). Mais sa mère la connaît, elle la comprend. Remarquez, elle nous a souvent dit qu’elle ne comprend pas bien si sa fille a mal.
Elle est autonome, elle va chercher ses vibrations, ses propres sensations. À la ludothèque, elle se met les coussins qui vibrent sur son corps, elle cherche ce qui lui fait plaisir. Elle trouve ses propres jeux et elle sait les défendre ».’ ‘« Cela m’énerve, cela use, surtout quand tu as tout essayé et que cela n’a pas marché. À midi, j’ai dit aux collègues, c’est insupportable, elle poussait des cris. Elle prenait tout, c’était intenable, je l’ai mise dans la chambre de M. : tu es foldingue aujourd’hui ? ’ ‘Dans la chambre, elle ne s’est pas calmée. D’habitude, je ne dis pas qu’elle est folle Aujourd’hui je lui ai dit :  Là tu es folle. Elle fait des grimaces, beaucoup de grimaces. Si on ne la connaissait pas, on dirait des rictus. Quand j’ai dû faire son bilan, cela a été très difficile, surtout pour la perception de son corps. C’est très dur, je ne pouvais rien remplir comme rubrique, c’est très dur, je ne savais pas, je ne la connais pas. Les collègues la connaissent depuis plus longtemps et c’est pareil, on n’y arrive pas. Des cris graves quand elle a mal, des cris aigus dans l’excitation. J’avoue que j’ai du mal à lui proposer des choses, c’est très dur ». ’ ‘« Je n ‘ai pas l’habitude de montrer ce que je ressens. Quand j’ai de la peine, je ne le lui montre pas »’ ‘« J’attends qu’il parle, qu’il puisse dire tout ce qu’il ressent, avant je voulais qu’il apprenne des choses, maintenant, je voudrais juste qu’il parle. Ma mère s’en est beaucoup occupée avec moi, on nous a reproché de trop le couver, maintenant, elle a un cancer, c’est très dur, elle fait sa chimiothérapie, S. le sent il est gentil avec elle, il ne crie pas ». ’ ‘« Si je vous disais non, vous diriez que j’ai des choses à apprendre ? On peut répondre oui, l’inconscient est tellement grand. Je vous donne un exemple : cette semaine je ne supporte pas S. On est deux à l’avoir trouvé dans l’errance. Pourquoi nous cristallisons-nous sur lui ? Alors et bien qu’est-ce qui se passe au niveau de notre inconscient, il se passe quelque chose ». ’ ‘« Ce côté errance, sans but, un grand vide, il agresse dans la mesure où il envahit. Cette errance agresse. Psychiquement, c’est pareil. Cela agresse. Dans la mesure où on est envahi, des systèmes défensifs s’installent. Je vais lui demander de s’éloigner, de prendre de la distance. ’ ‘Un autre aspect, il se masturbe. Je le vois comme un ado qui a besoin de se tripoter. Je mets une réponse. Ne le fais pas n’importe quand, n’importe où. On aborde cela au sujet de C. , la masturbation n’est pas à prendre au même plan que S. Qu’est ce que cela suscite ? Sa masturbation m’agresse moins que son errance ». ’