10. Deuxième investigation : les questionnaires

10. 1. Cadre expérimental de la recherche 

La deuxième partie des investigations vise à confronter plusieurs dimensions de la compréhension.

Les résultats des entretiens nous ont orientée sur de nouveaux éléments à explorer et approfondir, à savoir :

  • Les signaux liés à l’expressivité du corps, aux réactions corporelles kinésiques des enfants comme autant d’éléments alimentant la compréhension.
  • La capacité à transmettre les émotions par les sensorialités des états émotionnels. Le ressenti des proches est fortement sollicité de façon très impliquée, soit par les sentiments soit par des ressentiments.

Il nous est apparu dans les premiers entretiens que les sujets décodaient bien les signaux du visage et du corps en tant que modalités expressives et qu’effectivement les mères étaient plus compétentes que les professionnels. Ceci répondait en partie à nos hypothèses. Les signaux étaient bien perçus, à des niveaux différents de perception selon la familiarité des proches. Toutefois, il est apparu des modalités d’interprétation hors norme, des informations au sujet de moyens d’expressivité kinésiques et sonores, particulièrement interpellateurs, à condition d’être souvent en contact avec l’enfant et d’entretenir avec lui des modes d’interactions encodés différemment, non généralisables, différentes d’un sujet et d’un enfant à l’autre. Il s’est avéré que chaque enfant développe des formes originales de langage qui s’étayent sur ses capacités propres. Les canaux inter sensoriels sont au centre des processus, dans le domaine non verbal. Il semble aussi que beaucoup d’enfants possèdent leurs propres moyens informatifs.

La communication et les échanges avec le milieu ont une grande importance afin de réduire les risques de carence ou de troubles psychotiques et d’organisations autistiques qui sont très fréquents chez les polyhandicapés sensoriels. Le risque de dé-subjectivation est particulièrement présent.

Dans un autre versant de la compréhension, ces entretiens ont mis en évidence un malaise, commun à tous les sujets, qui reposait sur ce que nous percevons comme difficulté à effectuer des correspondances entre ce qui était décodé et ce qui en découlait comme information :

‘« Il pleure, il hurle, on ne comprend pas pourquoi… » ’ ‘« Comment l’arrêter lorsqu’il rit, il faut le calmer, l’isoler, le rire de l’enfant suscite un malaise ».’

Une autre source de malaise provenait du sentiment d’impuissance des sujets qui ne savaient comment réagir et ressentaient un sentiment de rejet de cet enfant peu gratifiant et imprévisible, ou envers le médical ou l’institution qui ne les aidaient pas. Ces remarques reposent sur des éléments peu quantifiables, cependant nous avons souhaité aller plus en avant et regrouper les tendances observées sur le précédent échantillon.

Comme mesure des représentations des familiers de l’enfant sur leur perception de leur propre compréhension des états émotionnels des enfants, nous avons mis au point un questionnaire de 12 items. Il a été testé sur 34 sujets en contact familier avec les enfants polyhandicapés. Ces sujets étaient composés de 17 parents et de 17 professionnels interrogés sur le même enfant. Ce questionnaire est censé quantifier des dimensions de la compréhension des états émotionnels des enfants.

Ces quatre dimensions comportent chacune trois variables qui font varier le processus de compréhension émotionnelle. Ces douze items supposent que la compréhension se fasse dans un espace interpersonnel.

Pour vérifier nos hypothèses, nous avons confronté des identifications de signaux, des sources d’information, des informations sur le ressenti des familiers et des données sur les réactions. Notre première hypothèse concerne les caractéristiques du décodage par les proches, les signaux faciaux, mais aussi sonores et kinésiques. Les informations s’étayeront sur la contextualisation, à partir de situations qui reviennent souvent dans les propos des personnes interviewées, comme susceptibles de faire sortir l’enfant de son isolement ou qui le mobilisent.

Notre deuxième hypothèse concerne le ressenti des partenaires comme outil empathique de résonance de ce que communique l’enfant. Les trois variables sont élaborées pour rechercher si les partenaires ont conscience de ce ressenti et s’ils ont une parole sur celui-ci.

Enfin, en réponse aux sentiments d’impuissance ou de malaise dans le questionnement des conduites à tenir, trois variables réaction sont sélectionnées, avoir des capacités à réagir, comment réagir ou avoir recours à l’imitation.