Dans la construction narrative analysée, nous avons pu apprécier comment Habel participe à l’élaboration d’une logique autre. Son action paradoxale nous a laissé entrevoir une fonction qui caractérise la démarche de l’écriture et de la lecture. Se dégageant à travers le héros, on peut la percevoir, autant que lui, comme une protagoniste dessinant un chiffre de l’écriture de la migration.
Nous allons nous pencher maintenant de plus près sur Habel. Sa figuration laisse apparaître des significations qui nous projettent vers une dimension affirmative de la caractérisation du migrant. En fait, à notre avis, le faible indice de factualité concernant Habel ne correspond pas à un manque de vigueur affirmatif, ou à sa négation, qui effacerait toute possibilité représentative. Le « fait » se décline en « événement » dont le côté insaisissable est exprimé aussi par une réécriture hybride du mythe dans laquelle Abel a survécu à son meurtre et peut le raconter depuis un carrefour. Sa vie, comme celle d’Abel, reste exposée à la mort comme dans la tradition du banni, de l’homo sacer. Dans la représentation de cette vie nue, le mythe des deux frères se croise à la légende nordique où le bannissement se décline dans l’histoire d’un amour impossible. Le banni est un homme séparé de l’amour.