4.2. Sujet. Du surgissement à l’avènement du je.

Nous avons déjà analysé la configuration de l’action de Habel au carrefour comme une mise à l’œuvre du paradoxe d’un « faire sans rien faire », une action qui configure le caractère de la narration et renvoie à l’activité de l’écriture prise dans la même immobilité physique et ouverte aux plus larges mouvements de l’esprit. Comme nous l’avons vu, l’objet qui entraîne le protagoniste à l’action du carrefour est une métaphore de l’écriture, celle du nom inscrit dans un horizon : « l’horizon qui cherche un nom. (…) C’est ce que je poursuis, c’est ce qu’il me faut atteindre », (11).

Le décalage du paradoxe, sa fausse marche qui dans la perte d’équilibre dévoile le sens (comme le décrit Proust à la fin de la Recherche) se retrouve aussi dans la configuration de l’événement nié et affirmé à la fois dans le discours du protagoniste au carrefour : Habel dit que rien ne se passe quand quelque chose est en train de se passer. Avant de l’analyser il faut se demander comment a lieu le surgissement de son je par lequel l’événement se dit paradoxalement (tout en montrant qu’une action s’engage affirmativement). Comment prend-il forme et par quel chemin ? La représentation de Habel au début du roman nous permet d’interroger le sens qui se cache dans la contradiction hantant son discours à la première personne, ce décalage de l’événement qui pour Ricœur est responsable de faire « le sens autre ». 162  

Notes
162.

«L’événement marque l’écart qui fait le sens autre », Ricœur, Paul, op. cit., p. 50.