2.1. La médiation phonologique

Avant l’apprentissage de la lecture, les enfants ne possèdent pas de lexique orthographique et ont donc principalement recours à une procédure phonologique pour lire les mots écrits. L’importance de la médiation phonologique au début de l’acquisition de la lecture a été mise en évidence durant ces quinze dernières années dans de nombreux travaux et fait aujourd’hui l’objet d’un consensus (Bosman, & de Groot, 1995 ; 1996 ; Kyte, & Johnson, 2006 ; Share, 1995, 1999). Le rôle central de la médiation phonologique dans la dynamique développementale est de permettre la construction du lexique orthographique (Byrne, Freebody, & Gates, 1992 ; Ehri, 1992 ; Jorm, Share, MacLean, & Matthews, 1984 ; Juel, Griffith, & Gough, 1986; Perfetti, 1992 ; 2003, Share, 1995, 1999).

De nombreuses études longitudinales ont montré que les habiletés phonologiques avant l’apprentissage de la lecture représentaient un bon prédicteur de réussite pour l’apprentissage de la lecture (en anglais : Bryant, Bradley, Mac Lean, & Crossland, 1990; Mann, & Liberman, 1984 ; en italien : Cossu, Shankweiler, Liberman, Katz, & Tola, 1988 ; en suédois : Lundberg, Olofsson, & Wall, 1980; en espagnol : Carrillo, 1994; en allemand : Wimmer, Landerl, Linortner, & Hummer, 1991; en français : Lecocq, 1991; Alegria, Pignot, & Morais, 1982 ; Demont, & Gombert, 1996; Ecalle, & Magnan, 2002 a, Ecalle, Magnan, & Bouchafa, 2002 ; Ecalle, & Magnan, 2003 ; Duncan, Colé, Seymour, & Magnan, 2006). Les enfants présentant de faibles performances en habiletés phonologiques sont également les enfants faibles lecteurs (Bowey, Cain, & Ryan, 1992 ; Bruck, & Treiman, 1992). Il existerait donc un lien entre les habiletés phonologiques avant apprentissage de la lecture et le réinvestissement de ces connaissances lors de l’apprentissage de la lecture, même si la nature précise de ces liens reste obscure (Magnan, & Colé, 2000). Selon Morais, Cary, Alegria et Bertelson (1979) les habiletés phonologiques nécessaires à l’apprentissage de la lecture sont en place très précocement chez l’enfant, mais sont cependant inutiles avant l’apprentissage de la lecture. Plus précisément, l’apprentissage de la lecture requiert l’activation d’une compétence métaphonologique nécessaire pour l’apprentissage de l’écrit. Cette position rejoint celle de Gombert (1990) sur la distinction entre niveaux épi- et méta linguistiques.