2.3.1. Une étude en langue française

Ecalle et Magnan (2002 b) ont conduit une étude longitudinale auprès d’enfants français de grande section de maternelle et de première année d’apprentissage. Leur objectif était d’observer le développement des habiletés phonologiques avant et après apprentissage de la lecture. Plus précisément, il s’agissait d’observer le type d’unité impliqué à un niveau épiphonologique, puis à un niveau métaphonologique, dans le cadre du modèle développemental de la sensibilité phonologique défini par Gombert (1990).

Deux tâches d’habiletés phonologiques ont été administrées aux enfants de grande section et de première année d’apprentissage. La première (épiphonologique) consistait à identifier deux mots parmi quatre sur le partage d’une unité commune, phonème, unités infrasyllabiques ou syllabe. La seconde consistait à détecter l’unité commune, phonème, unités infrasyllabiques ou syllabe, partagée par deux mots différents. La position de l’unité commune a également été manipulée, en position initiale ou finale.

Les résultats observés sont les suivants. En grande section de maternelle, aucun effet du type d’unité n’a été mis en évidence pour la tâche métaphonologique. En revanche dans la tâche épiphonologique un effet du type d’unité émerge en faveur des unités infrasyllabiques et syllabiques. Un effet de la position est également relevé, dans la tâche métaphonologique uniquement, et en faveur des positions initiales et finales de cible au sein des mots.

En première année d’apprentissage, un effet du type d’unité émerge pour les deux tâches épiphonologique et métaphonologique. Les résultats montrent que les performances sont accrues pour les unités infrasyllabiques et syllabiques dans la tâche épiphonologique, et pour le phonème dans la tâche métaphonologique. Les résultats suggèrent que sous l’effet de l’instruction formelle de la lecture, un déplacement s’opère des unités plus larges vers les phonèmes. Toutefois, si les phonèmes sont de mieux en mieux traités, les syllabes sont également mieux traitées que les infrasyllabes. Enfin, un effet de la position est relevé dans la tâche métaphonologique en faveur de la position initiale de l’unité à manipuler.

Il semble donc que les habiletés épiphonologiques en grande section de maternelle reposent sur une sensibilité à des unités phonologiques plus larges que le phonème, puis, en première année d’apprentissage, sous l’effet de l’enseignement des correspondances grapho-phonémiques, les habiletés épiphonologiques se recentrent alors sur les phonèmes. Les travaux d’Ecalle et Magnan (2002 b) confirment ces analyses en termes de distinction épi- et méta-phonologique et en termes de précocité du traitement syllabique. De plus, au niveau métaphonologique, les phonèmes et les syllabes sont les unités qui donnent lieu à des performances supérieures par rapport aux unités infrasyllabiques. Il est alors possible que l’enfant ait encore recours à ce moment aux unités syllabiques, ce qui montrerait la persistance de l’unité syllabique pendant la mise en place des processus de lecture.