1.1.3. La position de la syllabe a-t’- elle une importance ?

Si l’hypothèse d’un codage syllabique est remise en cause, la syllabe pourrait être envisagée comme un signal de segmentation possible (Dumay, Frauenfelder, & Content, 2002). Dumay et al. (2002) ont réalisé trois expérimentations afin de tester le rôle de la syllabe selon qu’elle est en début ou en fin de mots. Les participants devaient détecter des mots enchâssés (tâche de « word-spotting ») dans des pseudomots porteurs de la cible plus longs. Il s’agissait par exemple de détecter le mot lac dans « zun.lac » ou dans « zu.glac ». Dans le premier cas, le mot lac est aligné avec le début d’une syllabe, à l’inverse du second cas. Les résultats ont montré un coût de traitement plus long lorsque le mot à détecter n’était pas aligné avec une frontière de syllabe. Les auteurs ont alors proposé que les syllabes en position initiale pouvaient servir d’indices aux locuteurs pour identifier le début des mots dans le flux continu de l’oral.

Sur l’importance de la position de la syllabe dans le mot, Hallé, Segui, Frauenfelder et Meunier, (1998) ont testé l’influence des contraintes phonotactiques dans la perception de mots présentant des groupes de consonnes illicites à l’initiale de pseudomots. La tâche des participants était de détecter un phonème cible (ici /b/), soit comme coda de la première syllabe (/tlobda/) soit comme attaque de la seconde syllabe (/tlobad/). La manipulation du phonème cible permet en outre d’observer si le coût de traitement relatif au groupe de consonnes illicites est restreint à la première syllabe ou s’il se propage à la deuxième syllabe. Les résultats ont montré que la présence d’un groupe de consonnes illicites en début de mot ralentit la détection du phonème cible dans les deux conditions. Cependant, les erreurs étaient plus massives pour la première syllabe que pour la seconde. La position de la cible dans la syllabe augmente le temps de traitement en présence d’un groupe consonantique initial, préférentiellement pour la première syllabe. Il apparaît donc plus difficile de détecter la coda que l’attaque de la deuxième syllabe. Comme le phonème cible apparaissait toujours dans la même position, les auteurs ont suggéré que l’augmentation du temps de traitement pour la coda de la première syllabe reflèterait une origine plus structurelle que séquentielle et que la syllabe pourrait jouer un rôle dans l’intégration perceptive du flux de parole.

Dans une autre série d’expériences sur l’effet du processus d’assimilation phonotactique au niveau lexical, Segui, Frauenfelder et Hallé, (2001) ont montré dans une tâche de décision lexicale à l’oral, qu’un pseudomot comme « dlaïeul » est plus souvent perçu comme un mot existant (glaïeul). La différence entre ces deux pseudomots est que seul le premier, « dlaïeul » présente une violation des contraintes phonotactiques. Une expérimentation en amorçage intermodal a confirmé cet effet. Les résultats de Segui et al. (2001) suggèrent que l’accès au lexique serait médiatisé par une étape d’intégration perceptive reposant sur une unité sublexicale supérieure au phonème et au trait phonétique. Les sons de parole pourraient donc être intégrés au sein d’unités au moins de la taille de l’attaque de la syllabe initiale. Segui et al. (2001) sont restés prudents sur la dénomination précise d’une unité de traitement, mais ont reconnu qu’en dépit de résultats infirmant pourtant la pertinence de l’unité syllabique à l’oral, la syllabe resterait « un bon candidat en tant qu’unité prélexicale d’intégration perceptive » (p.209).