2.3. Syllabe et apprentissage de la lecture

L’apprentissage de la lecture requiert, de la part de l’enfant, la compréhension du fait que l’écrit code les sons de l’oral. L’enfant doit ainsi comprendre que les mots parlés sont composés d’unités sonores discrètes, les phonèmes, qui sont transcrits à l’écrit par des graphèmes. Cela implique un grand effort d’abstraction de la part de l’enfant, puisque jusqu’à l’apprentissage de l’écrit, celui-ci ne possède pas de connaissance précise sur les segments isolés, comme sur leurs combinaisons, qui peuvent composer un mot. L’enfant doit ainsi prendre conscience des relations essentiellement phonologiques 8 existant entre les segments des mots parlés et les segments des mots écrits.

Dès quatre ans, les enfants sont capables de dénombrer les syllabes d’un mot et non ses phonèmes (Cossu, et al. 1988 ; Duncan et al. 2006 ; Ecalle, et al. 2002; Liberman, Shankweiler, Fischer, & Carter, 1974 ; Vellutino, & Scanlon, 1987). Cette analyse syllabique paraît se faire de manière implicite à partir de l’expérience que l’enfant possède déjà de la langue orale. La parole étant acquise relativement sans efforts par rapport à la lecture qui nécessite un long, et parfois, difficile apprentissage, il semblerait plus économique que l’apprenti lecteur exploite des processus et des représentations déjà établis pour le langage parlé pour entrer dans l’apprentissage de l’écrit. S’agissant du langage parlé, nous avons vu qu’il était raisonnable de penser que la langue française soit à rythme syllabique, que d’un point de vue perceptif, la syllabe assez grossièrement définie, pouvait servir d’indice acoustique probable pour segmenter le signal de parole. Compte tenu des arguments que nous avons développés sur les différences rythmiques entre les langues, notre position est que la syllabe pourrait être une unité de segmentation utilisée par l’enfant lors de l’apprentissage de la lecture en langue française, une fois le principe alphabétique acquis, sur la base d’un certain isomorphisme entre code oral et code écrit. En d’autres termes, « le lecteur débutant, guidé par sa connaissance que l’écrit a aussi pour fonction de coder du son, cherche à extraire de la chaîne graphique du mot des configurations graphiques correspondant aux syllabes orales parce qu’il peut les percevoir et les émettre. » (Bastien-Toniazzo, et al. 1999).

Notes
8.

des indices morphologiques sont présents dans les mots écrits et pour autant ne se prononcent pas systématiquement, par exemple la marque du pluriel.