2.3.2. Tâche de jugement d’identité

Magnan et Biancheri (2001) ont comparé les performances d’enfants bons et faibles lecteurs, de première et deuxième année d’apprentissage, à l’aide d’une tâche de jugement d’identité avec des pseudomots. Deux niveaux de complexité syllabique ont été étudiés. Des structures syllabiques de type CV avec voyelle nasale et des structures syllabiques avec cluster consonantique de type CCV. Dans une première expérience portant sur les structures syllabiques avec voyelle nasale, les enfants devaient juger si un item présenté auditivement était identique à un item présenté visuellement. L’item présenté visuellement pouvait être identique à l’item entendu (e.g. « barli- barli ») ou présenter une distorsion orthographique en terme d’ajout (e.g. « barli-barali »), de suppression d’un segment (e.g. « barli-bali ») ou encore ne présenter qu’une fin identique à l’item cible (e.g. « barli-suvli »). Enfin une condition neutre était également présente (e.g. « barli-motnu »).Les résultats ont montré que les lecteurs de bons niveaux, de première comme de deuxième, n’étaient pas affectés par la présence d’une voyelle nasale. Les enfants choisissaient l’item identique sans erreur. En revanche, les enfants faibles lecteurs, de première comme de deuxième année, éprouvaient des difficultés à réussir la tâche. Ces enfants faibles lecteurs avaient davantage de difficultés à juger non identique un item dont la syllabe initiale contenait une voyelle nasale comparativement à un item présentant une syllabe initiale de type CVC. De plus, ces enfants avaient tendance à simplifier une syllabe CVC, ou une syllabe CV avec voyelle nasale entendue, par une syllabe initiale de structure CV. Les faibles lecteurs sembleraient donc restreindre leur analyse de l’item test à une structure syllabique plus simple de forme CV. Concernant les attaques avec cluster consonantique, les résultats ont montré un pattern de réponses similaire. Les bons lecteurs des deux niveaux scolaires n’étaient pas affectés par la présence d’un cluster consonantique à l’initiale et ont donc un nombre de réponses correctes maximal. Les faibles lecteurs des deux niveaux, de nouveau, étaient affectés par la présence d’une syllabe initiale qui n’était pas de structure CV. Leurs réponses ont montré qu’ils ont tendance à simplifier le cluster consonantique initial en jugeant comme identiques les conditions ramenant ce cluster à une syllabe CV, « bato » ou « barto » sont jugés identiques à « brato ».

Dans une tâche de jugement de segmentation syllabique, Biancheri (2000) a présenté à des enfants de première et deuxième année d’apprentissage, bons et faibles lecteurs, des mots bisyllabiques, dont la structure initiale variait. Différentes segmentations étaient proposées, mais une seule correspondait à la segmentation syllabique du mot testé. Les bons lecteurs ont montré de bonnes performances, quelle que soit la structure phonologique initiale du mot. En revanche, les faibles lecteurs ont traité plus facilement les structures syllabiques comportant une voyelle orale que les structures syllabiques comportant une voyelle nasale ou un cluster consonantique à l’initiale. Quel que soit le type de tâche, les stratégies de segmentation des faibles lecteurs se résumaient souvent à la structure canonique CV avec une nette tendance à simplifier un groupe initial CVC en CV, structure simple déjà bien connue de l’enfant. Cette tendance est compatible avec les observations de Paradis et Béland (2002) concernant les productions orales d’enfants d’âge de six ans en moyenne.

Pris dans leur ensemble, les résultats de ces expériences montrent qu’au début de l’apprentissage de l’écrit, l’une de principales difficultés consiste à segmenter correctement la suite de lettres qui constitue le mot pour retrouver des unités codant les syllabes de l’oral.

Le fait que les enfants de deuxième, faibles lecteurs, butaient toujours sur l’analyse correcte de la syllabe semblerait indiquer que la médiation par l’unité syllabique, entre code écrit et code oral, pourrait correspondre à une étape importante dans le développement de l’apprentissage de la lecture.