1. L’outil informatique

L’utilisation de l’outil informatique dans l’apprentissage de la lecture a émergé au cours de ces vingt dernières années grâce aux progrès réalisés dans les domaines des multimédia (pour une présentation détaillée voir Rouet, Germain, & Mazel, 2007). Prenant appui sur les avancées de la recherche en psychologie cognitive, tout comme sur les nombreux programmes d’entaînement en dehors de l’outil informatique (e.g., Torgesen, Wagner, Rashotte, Lindamood, Rose, Conway, & Garvan, 1999), l’élaboration de logiciels d’aide à l’apprentissage de la lecture peut être envisagée comme un outil à part entière et un complément de l’enseignement en classe. De nombreux logiciels de lecture sont disponibles pour les classes primaires françaises (pour une revue voir Germain, 2007). Toutefois, ces outils n’ayant pas fait l’objet de publication scientifique, il nous est difficile d’évaluer leur efficience. L’utilisation de l’outil informatique en classe peut se concevoir de différentes façons. Soit en termes de prévention, pour des enfants identifiés à risque de présenter des difficultés lors de l’apprentissage de la lecture, il s’agit plus particulièrment d’outil comme les « talking book » (e.g.,Segers, & Verhoeven, 2004), ou d’entraînements visant le développement de la conscience phonologique (e.g.,Hecht, & Close, 2002 ; Lonigan, Driscoll, Philipps, Cantor, Anthony, & Goldstein, 2003 ; Mitchell, & Fox, 2001), soit en termes d’accompagnement lors de l’apprentissage de la lecture pour des enfants normo-lecteurs ou enfin en termes de programmes destinés à aider les enfants présentant des difficultés d’apprentissage de la lecture. A ce sujet, il faut différencier les entraînements informatisés s’adressant aux enfants en difficultés de lecture sans troubles du langage (e.g. van Daal, & Reitsma, 2000 ; Wise, Ring, & Olson, 2000), des entraînements destinés aux enfants présentant des troubles du langage, comme la dysxlexie par exemple (e.g., Breznitz, 1997 ; Lovett, Barron, Forbes, Cucksts, & Steinbach, 1994 ; Tallal, Miller, Bedi, Byma, Wang, Nagarajan, Schreiner, Jenkins, Mezernich, 1996). Il existe deux grands types d’entraînements infomratisées. D’une part, les systèmes d’apprentissage intégrés (Integrated Learning System, e.g., Underwood, 2000, pour une revue sur les tutoriels voir Wise, Cole, van Vuuren, Schwartz, Snyder, Ngampatipatpong, Tuantranont, & Pellom, sous presse), qui sont des systèmes « intelligents » délivrant les exercices appropriés en fonction du niveau atteint par l’enfant, capables de feedback élaborés suivant les réponses produites et tenant pratiquement lieu d’enseignant virtuel. D’autre part, des entraînements informatisés utilisant les ressources des multimédia comme support de l’entraînement mais sans la flexibilité des systèmes d’apprentissage intégrés. Selon Underwood (2000) ces deux types d’entraînements améliorent de façon comparable les performances d’enfants entraînés avec l’un ou l’autre de ces systèmes, mais souligne que les enfants ayant bénéficié d’un système intégré d’apprentissage semblent avoir davantage progressé par rapport à l’enseignement traditionnel en classe.

Une des difficultés majeure pour les faibles lecteurs réside dans la reconnaissance des mots, et plus précisément dans l’établissement du lien entre l’input visuel et sa forme phonologique. Or, un déficit des habiletés de décodage empêche la mise en place de processus rapides et automatisés nécessaires pour une lecture fluide. Pour cette raison, les entraînements destinés aux faibles lecteurs insistent tous, sous diverses formes, sur les correspondances entre écrit et oral afin d’améliorer et de consolider les relations entre les représentations graphémiques et phonologiques. Ces logiciels offrent l’avantage de pouvoir proposer à l’enfant en difficulté un support d’apprentissage différent qui pourrait l’amener à dépasser ses propres difficultés (Jung, 2005 ; Papert, 1993 a, 1993 b ; Torgesen, & Barker, 1995 ; Wise et al. sous presse). De plus, ces logiciels présentent la plupart du temps une forme ludique, qui, couplée au côté interactif de la tâche, permet de maintenir constante l’attention des enfants (Olofsson, & Lundberg, 1985 ; Malone, 1980 ; Malone, & Levin, 1984 ; Macaruso, Hook, & McCabe, 2006 ; Wise et al. sous presse). En outre, les enfants ne perçoivent pas les séances sur ordinateur comme des séquences de travail à part entière (Mioduser, Tur-Kaspa, & Leitner, 2000 ; Smeets, 2005 ; Wise et al. sous presse). Finalement, les logiciels d’aide à l’apprentissage de la lecture peuvent être considérés comme une aide, à la fois pour l’enseignant, en envisageant une pédagogie plus différenciée, comme pour l’enfant, dans la mesure où celui-ci serait engagé plus individuellement dans ses propres processus d’apprentissage. Cependant, la méta-analyse de Block, Oostdam, Otter, et Overmaat portant strictement sur les entraînements informatisés, (2002, voir également Bus, & Ijzendoorn, 1999 ; Ehri, Nunes, Willows, Schuster, Yaghoub-Zadeh, & Shanahan, 2001; Troia, 1999, pour des méta-analyses sur entraînements classiques et quelques entraînements informatisés) a révélé une grande disparité dans la méthodologie propre aux entraînements comme dans les résultats obtenus, rendant difficiles la comparaison de ces différents types d’entraînements, comme leur bénéfice réel pour les enfants. Notre travail porte sur l’élaboration d’un logiciel visant le développement d’automatismes pour le décodage, nous nous centrerons essentiellement dans ce qui suit sur les logiciels d’aide à l’apprentissage incluant des procédures interactives, audio-visuelles, individuelles d’entraînement, mais ne représentant pas des systèmes d’apprentissage intégrés.